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bataille sur les petites hauteurs qui bordent la gauche de la route. Soldats et officiers sont dans l’attitude de la tristesse, de la réflexion, de la méditation ; les premiers ont le bout du canon du fusil à terre, les mains croisées sur la crosse et la tête baissée ; les seconds, la poignée du sabre à la hauteur du menton, la lame en bas et, je crois, la main gauche au shako. Les tambours sont couverts de crêpes ; les drapeaux en deuil et déployés s’inclinent au passage du char ; les musiques de chaque corps font entendre des airs lugubres.

Si les ennemis les plus haineux de l’Empereur avaient vu son convoi funèbre passant devant les soldats anglais, un soupir se fût échappé de leur poitrine et des pleurs eussent mouillé leurs paupières.

En arrivant à Hut’s-gate, nous aperçûmes Lady Lowe avec sa fille, toutes les deux en grand deuil. La plus vive émotion était peinte dans leurs traits ; sur leurs joues coulaient d’abondantes larmes.

En face du chemin qui vient de Longwood est une petite plate-forme où l’artillerie est en batterie : les pièces sont chargées et la mèche allumée.

Après avoir dépassé Hut’s-gate, la tête du convoi prend la droite, laissant les canons à gauche, et va s’arrêter à mi-chemin de Hut’s-gate à Alarm-house. Là avait été pratiqué un petit chemin conduisant dans le fond de la vallée nommée Géranium, où déjà beaucoup de monde est réuni autour d’un groupe de saules, au milieu desquels la fosse qui devait recevoir le corps de l’Empereur avait été creusée, non loin de la source à laquelle on allait puiser l’eau pour l’illustre prisonnier.

Le convoi s’arrête. Ceux qui sont à cheval mettent pied à terre. Les grenadiers qui ont accompagné le char prennent de nouveau le cercueil sur leurs épaules et dans la descente on marche dans le même ordre qu’auparavant. Les grenadiers, ayant fait un tiers du chemin, sont relayés par huit soldats d’un autre corps, et les soldats de marine eux aussi, voulant avoir leur tour, s’emparent du cercueil. Ces derniers, après avoir parcouru le tiers du chemin qui restait à faire, déposent leur précieux fardeau au bord de la fosse.

Toutes les troupes après le passage du convoi l’avaient suivi et étaient venues se ranger en bataille sur la route que nous venions de quitter et qui longe la vallée. Tous allaient être