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Antommarchi et Burton réussirent fort heureusement à tirer le moule d’abord de la face et ensuite de l’autre partie de la tête. Il est très fâcheux que l’on n’ait pas pensé à mouler les mains, lesquelles cependant étaient assez belles pour être conservées.

Dans la soirée, le 7 mai, on apporta le cercueil, ou pour mieux dire les cercueils, car il y en avait trois : un en fer blanc, matelassé en satin blanc, un second en acajou et un troisième en plomb. Un quatrième, en acajou, qui devait renfermer les trois premiers, ne fut apporté que le lendemain matin.

Toutes choses étant disposées, nous mimes le corps de l’Empereur dans le cercueil de fer blanc. Celui-ci se trouva si court que, le chapeau ne pouvant être mis sur la tête, nous le plaçâmes sur les cuisses ; sous les jambes on mit plusieurs pièces d’argenterie, les plus belles, entr’autres une saucière ayant la forme d’une lampe antique, des couteaux, fourchettes, cuillers, (peut-être assiettes), et une certaine quantité de pièces d’or à l’effigie de Napoléon, tant de France que d’Italie, Nous fûmes contraints, au grand regret de tous, nous autres Français, de mettre dans le cercueil les deux vases qui contenaient le cœur et l’estomac (le premier avait été destiné à l’Impératrice) ; mais telles étaient les instructions du gouvernement anglais communiquées aux exécuteurs testamentaires. Les couvercles des deux vases avaient été soudés avec assez de soin pour que l’alcool ne put s’échapper. Au moment que le plombier allait mettre le couvercle du cercueil pour le souder, le Grand-Maréchal prit une dernière fois la main de l’Empereur et la serra avec la plus vive émotion. Encore un moment et la belle tête de Napoléon allait être cachée à tous les regards. Quel triste et sublime spectacle que cette contemplation religieuse des traits de celui qui avait été pour plusieurs des assistants l’objet de leurs soins les plus assidus, de leur empressement, de leur entier dévouement et de leur culte ! Les larmes étaient dans tous les yeux. Le cercueil soudé fut mis dans le second, dont le couvercle fut fixé par des vis à tête d’argent. Le troisième cercueil, celui de plomb, ayant la même forme que les précédents, les contint et leur servit d’enveloppe. Dès que ce dernier fut soudé, on ôta les matelas du lit ainsi que le fond sanglé, et on le mit à la place, sur des espèces de tréteaux et couvert du manteau ; le lit servit d’encadrement.

Quand tout ce travail fut terminé, la soirée étant déjà