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fut dressé et adossé à la cloison de la salle à manger ; un des deux lits de campagne, garni de ses rideaux relevés et attachés aux quatre pommes des montants, formait le sarcophage. Le chevet ou dossier du lit fut placé au pied de l’autel, le lustre du salon fut appendu au milieu de la chambre.

Le corps de l’Empereur, transporté du parloir, fut mis sur le lit, qui avait été couvert du manteau de Marengo. La tête reposait sur un oreiller ; sur la poitrine était un crucifix d’argent ; le cœur et l’estomac, dans des vases, étaient placés sur le devant (le cœur dans une casserole en argent et l’estomac dans une timbale, ou boite ronde à éponges, du nécessaire de l’Empereur.) De la manière dont était placé le lit, l’Empereur se trouvait avoir la tête au levant et par conséquent les pieds au couchant. Les girandoles, les chandeliers et le lustre, garnis de bougies, furent allumés et restèrent ainsi tout le temps que le corps de l’Empereur fut exposé.

Quand tout fut préparé et disposé, l’abbé Vignaly dit la messe à laquelle assistèrent tous les Français. Il est à observer que le docteur Arnott ou son substitut restèrent présents à tout. Ils avaient reçu l’ordre du gouverneur de surveiller le corps et surtout le cœur et l’estomac qui en avaient été ôtés, son Excellence craignant probablement ou qu’on les fit disparaître ou qu’on ne les enlevât à l’aide de quelque substitution.

Le gouverneur ayant donné la permission à toutes les troupes de l’ile, de terre et de mer, de venir à Longwood, dans l’après-midi et par un mouvement spontané, officiers, sous-officiers, soldats, tous s’empressèrent d’y accourir. Ces derniers, les uns en uniforme, les autres en veste de travail, arrivèrent couverts de sueur à la maison mortuaire. Malgré l’affluence considérable des visiteurs, tout se passa avec le plus grand ordre. On entrait par l’antichambre des valets de chambre, ensuite la salle de bain, le cabinet et la chambre à coucher ou chapelle ardente, où l’on stationnait quelques instants ; après quoi on sortait par la salle à manger, le salon et le parloir. Pendant le passage des visiteurs, le Grand-Maréchal était à la tête du lit, MM. de Montholon et Marchand au pied, et les serviteurs rangés du côté opposé près des fenêtres.

Dès que la permission de venir à Longwood avait été connue des soldats, le travail avait cessé, tous avaient voulu voir le grand homme, le grand Napoléon : c’est ainsi que les soldats