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L’ironie tragique de la situation, au dire du général C. B. Thomson, c’est que le gouvernement n’a pas effectivement « ordonné » les « représailles : » il a laissé faire. Il n’a pas « regardé sa responsabilité en face. » Sa coercition est « comme honteuse d’elle-même. » Pour sir Philip Gibbs, il y a eu « carence » de l’autorité qui, au lieu de faire un « honnête effort » en vue de la paix irlandaise, a laissé ses officials, la police et l’armée, combattre « la terreur par la terreur. » Avec les Black and Tans, le gouvernement a mis au jour « une force indisciplinée et sans frein, » il a « créé une arme qu’il n’a pas su manier et qui lui a échappé des mains, » conclut le rapport Henderson ; « s’il n’a pas « directement et précisément inspiré les « représailles, » il n’en porte pas moins « l’entière responsabilité, » d’autant qu’il « s’est associé aux crimes commis par les forces de la Couronne et en a pris la défense. »

« Ce que nous entretenons en Irlande, écrit G. K. Chesterton, ce n’est pas un gouvernement, pas même une prétention de gouvernement. Au mieux, c’est la guerre, et une très barbare guerre… une guerre à la prussienne. » Le « prussianisme ! » Combien de fois le mot n’a-t-il pas été prononcé par des Anglais à propos de ce qui se fait en leur nom dans l’Ile sœur ! Si c’est la guerre, « au moins devrait-elle être faite selon les règles de la civilisation, » s’écrie la Westminster Gazette. « C’est une guerre dégradante et lâche, » affirme le commandant aviateur Erskine Childers, c’est « le régime du déshonneur militaire. » Et cela remplit de tristesse les vieux soldats qui ont voulu voir et juger, comme les généraux sir H. Gough, C. B. Thomson et sir H. Lawson, ou ceux qui, comme le général Crozier, ont mieux aimé s’en aller que servir pareil régime.

« Le gouvernement a joué avec l’honneur du pays, » concluait dernièrement le Times. Et de même le Manchester Guardian : « Le système des représailles discrédite le gouvernement… ces procédés nous mettent au ban des nations. » C’est le sentiment qu’exprime aussi, en terminant son rapport, la Commission Henderson : « Il a été fait en Irlande, au nom de la Grande-Bretagne, des choses qui font que son nom doit être en horreur au monde. L’honneur de notre pays a été gravement compromis. Non seulement il existe en Irlande un règne de terreur qui devrait faire rougir de honte tout citoyen britannique, mais il y a une petite nation tenue en sujétion par un