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l’autorité était abhorrée par les quatre cinquièmes de la population. Il y avait là un problème nouveau que l’esprit britannique, lent à se retourner, à s’adapter, n’était pas prêt à résoudre impromptu. Pour dompter le Sinn Fein et reprendre en mains un gouvernement qui, vers le milieu de 1920, semblait sombrer dans l’impuissance, la défiance et l’anarchie, il fallait rétablir l’ordre en procédant à une occupation massive du pays, au moyen de forces bien en mains et très disciplinées, il fallait réduire par d’habiles opérations militaires l’armée républicaine, tout en assurant à la masse du pays la protection des lois, en se faisant de la population une alliée et non une ennemie, en conquérant en vue de l’œuvre à accomplir l’appui de l’opinion par une équitable politique de concessions. Le gouvernement britannique, soit qu’il ait manqué en temps utile de la claire vision des nécessités, soit que, devancé par les événements, il se soit vu pris de court, se laissa mener par d’autres voies. Tandis que M. Lloyd George déclare bien haut qu’il ne s’agit que de mettre la main sur la « bande d’assassins » et de délivrer l’Irlande du joug de quelques centaines de brigands, après quoi la population viendra d’elle-même à résipiscence et l’ordre renaîtra comme par enchantement, en fait, c’est toute l’Irlande nationale qui va être mise à feu et à sang au nom de l’autorité britannique ; le « Château » ne sait qu’inaugurer un régime dont l’effet, sinon l’objet, sera de combattre la terreur par la terreur et de répondre au crime par le crime : c’est le régime dit des « représailles, » appliqué par les Black and Tans et les « Auxiliaires, » avec l’assistance de l’armée.

L’armée régulière, — il y a eu, dit-on, jusqu’à 60 000 soldats britanniques en Irlande, — c’est, dans les forces de la Couronne engagées dans la guerre irlandaise, ce qu’il y a de mieux, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne se soit pas elle-même rendue coupable d’excès graves. Tommy, tout jeune, blond et rose dans son khaki, a d’ordinaire de la tenue et de la discipline. Il combat l’armée républicaine, il sert notamment à de vastes opérations d’encerclement, éclairées par avions, destinées à réduire les Comitadjs irlandais qui tiennent la campagne ; inapte aux choses de la police, il n’est censé faire en cette matière que prêter main-forte à la Royal irish Constabulary, corps d’ailleurs lui-même beaucoup plus militaire que civil, créé par Peel au milieu du siècle dernier. Cette Constabulary,