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profonds : auprès de cette brusque et puissante ébauche, le portrait du Louvre paraît apaisé et presque élégant. Chez nous, c’est le chef-d’œuvre harmonieux, la perfection de l’art ; à Copenhague, l’ivresse devant le modèle, la vie arrachée à la nature, et fixée violemment sur la toile. Ce sont les Pensées à côté des Provinciales.

À ce propos, on ne saurait savoir trop de gré à M. Cohen d’avoir accompagné son ouvrage de cinquante-deux planches.

Ce ne sont pas des ornements, ce sont des documents ; tout colle au texte, l’illumine, ou le prolonge. Écritures, signatures, portraits des personnages dont le livre nous parle ; pages d’albums d’étudiants et contrat d’édition ; vues de sièges, de châteaux, d’universités : toutes ces reproductions nous rapprochent du passé, nous y font vivre, nous introduisent dans l’intimité des hommes et des choses. On ne connaît peut-être pas plus le sujet quand on a regardé les planches ; mais combien on le « sent » mieux ! Et tout de même, ici, sentir aide à comprendre.


IV


Ainsi le sang de nos soldats, l’esprit et la gloire de nos savants, la personne et le génie de Descartes : voilà le don de la France à la Hollande. Et la Hollande, qu’a-t-elle donné en retour ?

Un don inestimable, je l’ai dit plus haut, et qui payait tout : la liberté. La liberté sous toutes les formes : depuis la libération des servitudes familiales, sociales, mondaines, sans laquelle il n’y a pas de travail suivi, jusqu’à la sécurité de la personne, sans laquelle la liberté de l’esprit n’est qu’un mensonge.

La Hollande n’offrait pas seulement aux Français la jouissance de la liberté. Elle leur en donnait le spectacle ; elle les en enveloppait ; elle leur en inoculait le goût, l’habitude et le besoin ; elle faisait qu’on ne pouvait plus vivre sans elle, et que toute autre atmosphère paraissait irrespirable.

Tous s’accordent là-dessus : Schelandre et Balzac, Saumaise et Descartes. La Hollande est un pays qui a voulu être libre. C’est ce qui en fait l’asile des consciences et des esprits qui refusent de croire ou de penser au commandement.

M. Gustave Cohen éprouve comme un sentiment religieux à considérer ce caractère du pays.