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lire une pièce de vers ; c’était « l’esprit de vérité », qui lui ouvrait « le trésor de toutes les sciences par ce songe. » Voilà Descartes tout près de la bonne femme qui va consulter sa commère sur ses rêves de la nuit.

Il y a aussi du mysticisme dans le catholicisme de Descartes. Car il est catholique, il veut l’être. À Franeker et ailleurs, il fixe sa résidence là où il y a une église de sa religion, pour y suivre le culte. Que valait cette exactitude pratique ? dévotion ? prudence ? Qui le saura ?

Certes, Descartes n’avait pas de fanatisme. Il se trouva fort bien de vivre parmi les protestants. Il en eut beaucoup pour amis. Il approuvait qu’ils restassent dans leur confession, lui dans la sienne. « J’ai la religion de ma nourrice, » disait-il. Que valait son orthodoxie ? Quelle importance attachait-il aux points de foi qui séparaient Genève de Rome ?

On peut se demander si, en son for intérieur, il ne se plaçait pas au-delà des dogmes qui établissent des frontières entre les Églises. Et c’est, si l’on veut, une attitude rationaliste.

Mais c’est également une attitude mystique. Il serait possible que Descartes eût pensé que la religion n’était pas l’affaire de la raison, et que la raison, en matière de religion, était de suivre la tradition et le sentiment. Il n’a peut-être pas vu de preuve claire qu’il fallût ici se comporter autrement que le peuple. De la science des théologiens, il ne faisait probablement pas grand cas ; mais il a pu croire aussi que la religion ne consistait pas dans la théologie. Qui sait s’il trouva une difficulté à réaliser l’idée de Perfection, qui était Dieu pour sa raison, tout à la fois dans le « Père qui est aux Cieux » des catholiques et des huguenots, dans le Jésus de sa nourrice, et dans le Christ d’Héléna Janz ? Jusqu’où allait-il dans cette voie ?

Pourtant, à certains moments, il se comporte simplement, nettement, en dévot catholique.

Sa fille Francine fut baptisée à l’église calviniste : il ne pouvait en être autrement. Mais elle est à peine sortie du premier âge, qu’il songe à l’envoyer en France chez une dame catholique, qui la nourrira dans la piété, à sa mode. Il tenait donc bien à la religion de sa nourrice ; il y tenait assez pour ne pas laisser à la petite la religion de sa mère.

Un jour, il fit un retour sur ses péchés et promit à la Sainte Vierge de se rendre en pèlerinage à Notre-Dame de Lorette,