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Amérique. La cause était celle de l’indépendance d’un peuple et de la liberté religieuse. Un grand souffle traversait-parfois ces âmes d’aventuriers. On le sent passer çà et là dans les rudes vers de Schelandre.

Mais, de plus, la poésie gagne à ce que le poète ne demeure pas dans son cabinet, et respire un autre air que celui des chapelles et des coteries : mieux valut pour Schelandre courir fortune avec les régiments Dommarville ou Béthune que de guerroyer de la plume à Paris dans une « brigade » poétique. De cette vie d’action sortiront dans son œuvre des notes réalistes par où Schelandre se logera en assez belle place dans la robuste et savoureuse littérature qui entoure Malherbe et précède Corneille.

Ce ne sera pas rhétorique, ni copie d’un ancien, ce sera expérience vécue, image exacte de ses compagnons, — et peut-être de ce que lui-même, à un moment, avait été, — quand plus tard il fera, dans sa Stuartide, la peinture des soldats de fortune.

…Ils sont de par le monde envoyés,
Prodiguement aux guerres employés,
Et, la plupart, lardés de coups d’épées,
Embalafrés, bras ou jambes coupées ;

L’Orme, des Champs, la Planche, du Noyer,
Le Jonc, du Lac, le Sable, du Vivier,
La Fleur, du Pré, des Jardins, la Verdure,
Sont tous leurs noms ; leur surnom : L’AVENTURE !

Leur surnom, L’AVENTURE ! Est-ce que Rostand n’eût pas envié au vieux poète cette soudaine envolée lyrique du couplet réaliste ?

Et n’est-ce pas le « poilu » du XVIIe siècle qu’on entend grogner dans la tragi-comédie de 1628, quand le sergent « La Ruine » se plaint de sa vie de misère et de ses chefs :

C’est un meschant mestier d’estre pauvre soldat.
Le service est pour nous. Messieurs les Capitaines
En ont la récompense au despens de nos peines ;
Et, pour paroistre en mine, ils nous rendent tous gueux,
Combien qu’aux bons effets nous paroissions plus qu’eux.