à la science française, où toutes les facultés humaines, faculté poétique, goût, sensibilité, sont disciplinées, et non éliminées, par la forte spécialisation.
La matière de M. Cohen se distribuait elle-même en trois tableaux. Un de nos poêles s’enrôle dans les armées du prince d’Orange ; les régiments français au service de la Hollande défilent devant nous : premier tableau. Des érudits, des étudiants de chez nous affluent à l’Université de Leyde ; le pays latin de Hollande se découvre à nos yeux : second tableau. Un gentilhomme français, le sieur Du Perron, — Descartes, — soldat d’abord dans l’armée du prince Maurice, puis immatriculé dans deux ou trois universités de Hollande, fait de ce pays l’asile de sa pensée solitaire, destinée à renouveler le monde des idées. C’est le troisième tableau, suite et synthèse des deux autres.
Dans les deux premiers tableaux, les individus servent à faire connaître la vie collective, militaire et civile. Dans le troisième, tout se ramène à l’individu qui occupe toute la scène par le droit du génie.
J’ai dit tout à l’heure que la matière s’organisait d’elle-même. Ne me croyez pas tout à fait. Un livre ne se compose tout seul que dans l’esprit qui possède l’ordre ; et c’est un mérite de M. Cohen d’avoir trouvé son plan dans la nature de son sujet.
Des relations séculaires, commerciales et féodales, entre la France et les provinces septentrionales des Pays-Bas ; la renommée militaire du Taciturne et du prince Maurice ; le lien de la religion calviniste ; l’Édit de Nantes et la paix de Vervins qui, mettant fin à la guerre civile et à la guerre étrangère, laissent sans moyens d’existence des milliers de gentilshommes et de soldats : de tout cela se forme le courant qui, vers la fin du XVIe siècle, porte la jeune noblesse protestante de France et une foule d’aventuriers, — parfois même des catholiques, qui n’avaient d’industrie que la guerre et pour qui partout l’Espagnol était l’ennemi, — à venir se mettre au service des Provinces-Unies.
Les États formèrent des régiments anglais, écossais, allemands, français. Auxiliaires précieux pour ces fils des Gueux qui continuaient la lutte héroïque contre l’immense monarchie