Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/560

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus fourni. Il se plaçait sensiblement avant l’élément allemand dont importance numérique est tellement plus considérable.

Méthode très approximative sans doute, et un peu simpliste, mais dont le résultat ne saurait être contesté.

Par une tout autre méthode, c’est encore le problème de la qualité que résout M. Gustave Cohen, — un grand blessé de Vauquois, — ancien professeur à l’Université d’Amsterdam, professeur à la Faculté des Lettres de Strasbourg, dans un excellent ouvrage intitulé : Écrivains Français en Hollande dans la première moitié du XVIIe siècle[1]. Laissant de côté la pénétration de la langue française en Hollande par les relations commerciales et par l’enseignement pratique des maîtres d’école, — sujet étudié magistralement par MM. Salverda de Grave et Ferdinand Brunot, et sur lequel M. Riemens a récemment apporté une importante contribution, — ne s’inquiétant pas de rechercher combien nous avons envoyé en Hollande d’artisans, de cuisiniers, de coiffeurs ou de modistes, M. Gustave Cohen n’a regardé que l’élite intellectuelle. Il s’est demandé ce que la France a donné ou prêté aux Provinces Unies d’étudiants d’Université, de poètes, d’érudits, de penseurs de tout ordre. Son premier volume nous conduit au milieu du XVIIe siècle ; le deuxième nous mènera jusqu’à la Révocation : espérons qu’il ne nous le fera pas attendre trop longtemps.

Le sujet était plein de difficultés : l’histoire littéraire se déroule ici en marge de la littérature. Un seul chef-d’œuvre dans le champ de la recherche : le Discours de la Méthode. Assez peu d’œuvres secondaires ; plus de latin que de français. Des lettres, quelques fragments de mémoires, de journaux, d’albums ou de carnets. Surtout des documents d’archives, registres d’état civil ou d’Université, pièces d’administration, contrats, etc. : plus de néerlandais que de français. Peu à peu, d’une multitude de petits faits et d’indices incomplets, patiemment recueillis, rapprochés ingénieusement, prolongés par des inductions prudentes et subtiles, l’image claire de tout un passé disparu a surgi. Beau travail de restauration archéologique où l’immense savoir de l’érudit a été fécondé par une imagination d’artiste, où la hardiesse enthousiaste de l’artiste a été réglée par la méthode scrupuleuse de la critique : travail bien français et qui fait honneur

  1. Edouard Champion, éditeur.