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pour qu’elles ne lui apparaissent pas toujours aussi importantes qu’à nous. L’amitié des États-Unis pour la France, les souvenirs de la guerre d’Indépendance, l’analogie des institutions politiques, ont certainement beaucoup contribué à pousser vers nos rivages les armées américaines, et surtout à les enflammer, lorsqu’elles ont débarqué, d’une sorte de passion mystique ; mais elles ne seraient pas venues, si notre cause, étant celle du droit, n’avait été celle de tous les peuples libres et si toute une série d’incidents préliminaires n’avait fait apparaître, dans une lumière éclatante, cette identité d’intérêts. Rappelons-nous la longue suite d’étapes par où, de 1914 à 1917, les États-Unis se sont lentement acheminés vers la guerre. Les républicains reprochaient alors aux démocrates et à leur chef, M. Wilson, leurs hésitations et leurs faiblesses ; hier, ils trouvaient que M. Wilson avait fini par trop s’engager envers les Alliés. Changements de point de vue qu’explique la politique intérieure. Il paraît aujourd’hui bien probable qu’à la place de M. Wilson, un Président républicain ne se serait pas pressé davantage. Il aurait consulté, lui aussi, l’intérêt de son pays et, lorsqu’il aurait cru à la nécessité d’une intervention, il aurait cherché à convaincre l’opinion publique, notamment dans les États de l’Ouest, les plus indifférents aux affaires européennes, avant de demander à l’Amérique les sacrifices d’hommes et d’argent que la guerre devait lui imposer. C’est exactement ainsi qu’a procédé le président Wilson.

Quel chemin parcouru depuis le message qu’il adressait le 6 décembre 1915, à propos des complots des Germano-Américains ! À cette date, au Congrès, il protestait contre ceux qui voulaient faire de la fière Amérique un foyer d’intrigues européennes, mais il distribuait impartialement le blâme à tous ceux des étrangers naturalisés américains qui avaient « oublié ce qu’ils devaient à leur honneur de citoyens en manifestant leur sympathie passionnée pour l’une ou l’autre des parties engagées dans la grande lutte, sans avoir cure de la tranquillité et de la dignité des États-Unis. » Un an plus tard, le 19 décembre 1916, le Président Wilson proposait une médiation aux Puissances belligérantes, il leur offrait ses bons offices et les interrogeait sur leurs buts de guerre. L’Allemagne et l’Autriche-Hongrie répondaient qu’elles étaient prêtes à rencontrer des délégués de l’Entente dans un endroit neutre, mais elles se gardaient de rien faire connaître de leurs intentions. La Belgique, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, le Japon, le Monténégro, le Portugal, la Roumanie, la Russie, la Serbie, jouaient cartes