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procurait et qu’on eût dit qu’elle éprouvait la première, était fort éloignée de cette espèce de délectation morose que parfois elle semble avoir pris pour but ou pour idéal aujourd’hui.

Si l’on veut goûter cette musique ancienne, un peu vieillotte par places, il faut lui pardonner une certaine monotonie. La partition de Hamal forme une longue suite de morceaux, airs, duos, trios, ensembles, quelquefois trop longs eux-mêmes. Le récitatif qui les relie est presque partout le récitatif parlant, ou plutôt courant, à l’italienne, hormis, çà et là, quelques mesures de récitatif « obligé. » La coupe des airs est uniforme : deux reprises, l’une majeure, mineure la seconde, et, pour finir, le retour à la première (da capo.) Un autre défaut consiste dans la répétition, qui finit par être fastidieuse, des mêmes paroles. Il arrive enfin que cette musique insiste trop longuement sur un détail secondaire, tout extérieur, de l’action, et qu’elle s’attarde là où elle ne devrait que passer. Mais cela n’enlève rien, ou presque rien à la finesse et à la force, comiques l’une et l’autre, qui font l’agrément de ce petit ouvrage. Pour l’esprit, plus que pour le sentiment ou l’âme, on dirait parfois du Grétry ; peut-être même du Mozart, moins la tendresse et la mélancolie. Toute la partie en quelque sorte querelleuse, injurieuse même, du premier acte est excellente. « Pas bégueule, Forte en gueule… Telle était Madame Angot. » Que ce soit Tonton qu’elle « attrape, » ou que ce soit le batelier, Marie Bada la harengère est telle aussi, en paroles du moins, ou par les paroles. Mais la musique, une tout autre musique que celle de Lecocq, la fait également fort différente. Elle donne au personnage de la sympathique poissarde ce qu’on appelle le caractère, ou le style, sans en affaiblir, ou en affadir la vérité, la vigueur et la vie.

Entre des pages comme celles-ci, un peu montées de ton, un peu hautes en couleur, le musicien n’a pas manqué de ménager des ombres. Il demande volontiers au mode mineur, survenant à propos, certains effets de clair-obscur. Un air du batelier, après la dispute de ses deux passagères, emprunte au changement du mode et du rythme à la fois une grâce indolente, à demi rêveuse, qui n’est pas indigne, — à la poésie près, et encore ! — de telle chanson de l’Enlèvement au sérail. Plus d’une fois cette musique se détend. Le rythme trop souvent saccadé s’égalise ; les valeurs pointées ou piquées se lient. La voici tout de bon, la poésie désirée ; voici la grâce, la tendresse, et même un soupçon de rêverie. Nous approchons, sinon de Mozart, au moins de Grétry, et du Grétry de Richard. Certaine phrase de l’amoureux Golzeau ferait presque songer d’avance,