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chanoine de Harlez. Quant à la Recrue liégeoise, un journal du temps (mai 1757) en donne l’analyse que voici : « Le sujet est très analogue à la circonstance où l’Europe se trouve[1]. Un jeune Liégeois, voyant passer les troupes françaises, s’arrache du sein de sa famille pour voler à la gloire. Le désespoir de ses parents, la tristesse des voisins, l’amour même, voudraient en vain le retenir. Mais l’honneur et le courage, encore plus forts dans le caractère de la nation liégeoise, l’emportent sur toute autre considération. Il s’engage et part enfin.

Malgré l’objet qui l’a charmé,
Il sait voler à la victoire,
Et ce n’est que couvert de gloire,
Qu’il se sent digne d’être aimé.

« Ce sujet, traité en liégeois, où l’on a mêlé un peu de français, n’est point susceptible d’un extrait raisonné. Que ne pouvons-nous faire passer à nos lecteurs toutes les beautés mâles et hardies et les traits de génie qui caractérisent si bien la musique de M. Hamal, tantôt ces sons tendres et gracieux, ce beau naturel, cette peinture naïve du sentiment, ces expressions du cœur, si difficiles à rendre en musique et où le talent de cet habile compositeur ne se trouve jamais en défaut. »

Le sujet du Voyage de Chaudfontaine n’a rien d’héroïque, ou seulement de militaire. Également « traité en liégeois, où l’on a mêlé un peu de français, » il est facile d’en présentera un extrait raisonné. »

Chaudfontaine est une modeste, plus que modeste station thermale située aux environs de Liège et depuis longtemps abandonnée. Il en est fait mention pour la première fois en l’an 1250. Vers la fin du XVIIe siècle, un entrepreneur, du nom de Sauveur, y fit construire une sorte de grande hutte, divisée en deux ou trois cabinets de bains fort malpropres. A cela se réduisait tout « l’établissement. » La vogue n’en fut pas moins fort grande au XVIIIe siècle. L’été, surtout le dimanche, on y venait de Liège, en partie de plaisir. Avant que le chemin, praticable d’abord aux piétons et aux cavaliers seulement, devînt carrossable, le voyage se faisait par bateau. C’est justement sur un bateau que se passe le premier acte de l’opéra-comique de Hamal. Il n’a, ce bateau, rien de commun avec les types variés et connus de ce qu’on pourrait appeler la batellerie musicale : la frégate d’Haydée, le vaisseau de l’Africaine, la nef de Tristan, ou le cuirassé

  1. C’était l’année de Rosbach.