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commun avec les Euridice et les Dafné florentines du XVIIe siècle commençant, avec les tragédies musicales, à l’antique, des Peri, des Caccini et des Rinuccini. Mais ils s’en rapprochent par une certaine analogie d’origine, par le « milieu » social, ou plutôt mondain, où ils se produisirent. Le Voyage de Chaudfontaine, la Recrue liégeoise, la Fête troublée par la pluie et les Hypocondres, ces quatre comédies musicales de Hamal furent données en 1757 et 1758, non pas au théâtre, mais dans un salon, et dans le salon d’un chanoine, prévôt de la collégiale de Saint-Denis, poète, librettiste même, et musicien. Il se nommait Simon de Harlez. Des réunions, ou des « académies, » littéraires et musicales, se tenaient fréquemment chez lui sous le patronage et parfois avec la collaboration de certains notables liégeois, fort distingués d’esprit et d’éducation : un Vivario, un Cartier, un Fabry, tous trois bourgmestres de Liège et « paroliers, » avec leur ami le chanoine, du Voyage de Chaudfontaine. Religieuses et profanes, les œuvres de Hamal figuraient constamment au programme de ces concerts. Ce n’est qu’après cette première exécution, qui les consacrait en quelque sorte, qu’elles étaient jouées devant un public plus nombreux, à l’Hôtel de Ville.

Un dilettante liégeois, auquel nous devons les détails ici rapportés, nous écrit : « Il sied de regarder les pièces de Hamal d’abord comme un divertissement, un jeu d’esprit où se plaisaient des gens très cultivés, et puis comme une manifestation de particularisme. Ce fut un phénomène isolé, sans attache avec le passé, mais non pas sans effet sur l’avenir littéraire du pays wallon. Dans ces joyeuses farces de 1757, « (le Voyage de Chaudfontaine et les autres), » se montrent déjà les caractères du théâtre wallon d’aujourd’hui : naturel parfait, observation peu profonde, mais fidèle, des mœurs, des gestes même de chaque personnage. Il se peut que les grands seigneurs d’alors, aristocrates authentiques, aient pris plaisir, par une sorte de dilettantisme, à forcer un peu la note et le ton. Ils ne craignirent pas d’exagérer au besoin le langage et les façons populaires. Nos grands bourgeois d’aujourd’hui, bien que très francisés, ne laissent pas de goûter encore ce côté vulgaire, fût-ce un peu grossier, de certains types de chez nous. »

Des quatre opéras-comiques de Hamal, le Voyage de Chaudfontaine seul nous a été communiqué par notre érudit correspondant. Nous ne savons rien de la Fête troublée par la pluie. Les Hypocondres ne consistaient, paraît-il, qu’en une « agréable critique de certains malades imaginaires, amateurs de musique, habitués du salon du