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et la piraterie sous-marine ont été les causes visibles ; mais il faut regarder de plus haut.

La France avait, pendant l’année 1913, consommé 63 310 000 tonnes de charbon, dont l’emploi de l’électricité pouvait économiser plus des deux tiers (45 500 000) pour les chemins de fer, les forces motrices, la métallurgie, les usines à gaz, l’électricité.

Elle n’a pu s’en procurer en 1916 que 40 955 211 tonnes (20 000 000 par extraction, 20 955 211 par importation), et les 22 354 789 qui lui ont fait défaut ne représentent pas la moitié du combustible remplaçable par la houille blanche ; elle n’aurait donc pas manqué de charbon, si la moitié seulement des services susceptibles de fonctionner électriquement avaient été préalablement équipés pour l’emploi de la houille blanche.

Les cours d’eau dont la France est superbement dotée pourraient lui fournir toutes les forces motrices dont elle a besoin s’ils avaient un débit plus régulier. Mais l’arbre, ce grand régulateur des eaux qui en est de plus un pourvoyeur incomparable, est devenu trop rare dans nos montagnes dont il devrait revêtir toutes les pentes abruptes où l’herbe ne suffit pas à maintenir la terre. S’il grimpait partout à l’assaut des rochers, son feuillage condenserait des rosées ou des gelées blanches, fixerait à sa surface les vésicules flottantes des brouillards, et soutirerait de la sorte à l’atmosphère des eaux dont l’abondance est bien supérieure à celle des pluies, ainsi qu’une communication du 8 décembre 1919 sur « le concours des arbres pour soutirer de l’eau à l’atmosphère » l’a fait connaître et l’Académie des sciences. D’après des expériences récentes, l’arbre reçoit en effet autant d’eau des rosées que des pluies ; et il en reçoit bien plus encore des brouillards, car le docteur Marloth a recueilli sur un petit arbre artificiel de trente centimètres quinze fois autant d’eau que dans un pluviomètre voisin. D’autre part, le docteur George V. Perez a publié de précieuses données sur le Garoë, l’arbre saint de l’Ile-de-Fer, dont le feuillage condensait assez d’eau pour abreuver les habitants et le bétail de cette île dépourvue de sources.

La plupart des bassins montagneux dont la houille blanche utilise les eaux étant malheureusement déboisés ou peu boisés, cette industrie rencontre pour son installation des conditions défavorables ; dans des montagnes suffisamment boisées, elle aurait, avec la même dépense, capté des eaux bien plus