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éclat la nouvelle de nos « crimes, » on utilisera les tapageurs services des agences télégraphiques ou radiotélégraphiques. Ou bien, insidieusement, on glissera dans les périodiques les plus inoffensifs, et jusque dans les revues philatélistes, de dangereux pamphlets comme Wir weisse Sklaven (Nous esclaves blancs), Die Bestie im Weltkrieg (recueil de prétendues atrocités françaises) et « Français de couleur sur le Rhin. Un cri de détresse des femmes allemandes » (Engelmann, édit. Berlin), libelle qui peut passer pour le modèle du genre. On aura en outre un peu partout des partisans d’autant plus écoutés qu’ils ne seront pas allemands, mais neutres, voire anglais comme Morel, ou américains comme Miss Ray Beveridge.


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Au surplus, la campagne ne s’ouvrit pas à la légère. Dès novembre 1919, la presse allemande soulevait bien la question de l’emploi des troupes noires en Rhénanie. Simple coup de sonde, qui, jusqu’en mars 1920, ne fut suivi que d’escarmouches insignifiantes ou d’attaques partielles, comme celle à laquelle se livra le ministre Koch, à l’Assemblée Nationale, dans sa diatribe de fin janvier contre les ordonnances de la Haute-Commission interalliée.

Ce n’est qu’en avril, après un an et demi d’occupation, que se déclenche la grande offensive. Alors, les hostilités éclatent sur toute la ligne, avec une simultanéité qui montre qu’il y a mot d’ordre. La presse rhénane ne reçoit-elle pas de Berlin des articles tout rédigés, comme en fait foi une morasse transmise le 21 mai, par l’agence Der Berliner Dienst du consortium Wolf-Stinnes, à un journal de Kreuznach, et interceptée par l’autorité militaire ?

A partir de ce moment, et en dépit de quelques échecs dus aux contre-mesures de la Haute-Commission dont la longanimité est mise à rude épreuve, la campagne se fait de plus en plus violente. Et si les journaux rhénans se voient obligés, les uns après sanction, les autres avec une louable spontanéité, de se rétracter plus ou moins formellement, les meneurs s’ingénient à réparer l’effet de ces défections en les imputant à un chantage des Alliés.

Outre-Rhin, la presse n’a pas à se gêner et donne à fond, suivant ce conseil du général von Libert : « Il faut que chaque