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des offices sui generis comme ceux du Heimatdienst. Et puisque on en parle beaucoup, de ce mystérieux Heimatdienst, parlons-en un peu. Tel vous dira que c’est un habile avatar du ci-devant Kriegspresseamt ou « Office de presse de la guerre. » Tel autre y verra une redoutable société secrète, dont les ténébreuses ramifications vont se perdre dans les pays séparés de l’Allemagne depuis la paix. La vérité tient dans l’ensemble, car cette vaste entreprise d’impérialisme intégral, marquée de l’estampille officielle[1], recrute partout des prosélytes, afin d’étendre son action à l’extérieur comme à l’intérieur du Reich. Outre son état-major, — écrivains adonnés à une littérature spéciale de pamphlets et de tracts nationalistes ; peintres et dessinateurs, spécialisés dans un genre d’illustrations ou d’affiches qui vulgarisent les mêmes idées ; conférenciers et orateurs, ad hoc, — elle possède d’innombrables filiales et une armée d’agents qui ne craignent pas d’opérer à notre barbe, comme cet impudent député Olmert que nous pinçâmes dans la Sarre en flagrant délit d’intrigues anti-françaises.

Ce n’est pas tout. Pour les besoins de la cause, la Wilhelmstrasse peut encore compter sur de puissantes organisations privées, comme celle de Hugo Stinnes, dont le trust embrasse quantité d’imprimeries et de gazettes. Ainsi couverte d’un immense réseau de propagande, avouée ou occulte, l’Allemagne n’entend et ne voit que ce que ses meneurs veulent bien lui dire et lui montrer. Les pays occupés n’échappent pas à cette espèce d’envoûtement pangermaniste[2]. Au surplus, en ce qui concerne le mouvement anti-nègre, une ligue spéciale, la

  1. Le 31 janvier dernier, la Badische Presse annonçait que l’Office central du Heimatdienst à Berlin allait, « après avis conforme du Gouvernement et de la Sous-Commission compétente du Reichstag, » être réorganisé de manière à augmenter l’efficacité de sa propagande.
  2. L’organisation de la propagande allemande y ressort non point à la Wilhelmstrasse, mais à une section spéciale du ministère de l’Intérieur dirigée par le docteur Fleischer. Tout récemment, pour plus d’efficacité, cette section créait à Mannheim l’O. N. U. (Oberlieimischer Nachrichten-Büro), agence de presse financée par Berlin, Munich et les grands industriels du Reich pour combattre l’influence des Alliés et spécialement celle des Français en Rhénanie. Car Mannheim, Francfort et Munich, les trois grands centres du Westdeutchen Heimatdienst ou « Heimatdienst de l’Ouest, » ont toujours été chargeé de cette mission sur la rive gauche du Rhin. Comme le Heimatdienst se rattache lui-même à l’Orgesch, qui de la Bavière a étendu ses intrigues sur toute l’Allemagne, on voit à la fois l’enchevêtrement de ces divers organismes et leur cohésion quand il leur faut agir dans un sens déterminé.