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UNE CAMPAGNE TYPE DE PROPAGANDE ALLEMANDE




« LA HONTE NOIRE »




Je ne suis pas de ces voyageurs que rien n’émeut parce que tout les déçoit. En atteignant les rives du Rhin, je tressaillis de toute mon âme devant le tragique symbole de ce grand fleuve. Et c’est avec un sentiment inexprimable qu’un jour, à Ems, je déchiffrai la pierre qui commémore l’humiliation infligée à M. de Benedetti en la fatale matinée du 13 juillet 1870.

Lors de ce dernier pèlerinage, j’accompagnais Charles Le Goffic. Nous n’avions pas mieux choisi notre heure que notre saison. C’était en décembre et nous venions de passer l’après-midi dans la vallée de la Lahn, attardés à la magie de cet âpre paysage, dont les brumes qui se levaient de l’eau estompaient la double ligne de hauteurs barbelées de futaies, couronnées de ruines et ravinées, déchiquetées par les pluies jusqu’au vif de leurs grès roses. Aussi le soir nous surprit-il au Kurhaus de la petite ville, encore figés dans une posture de recueillement, près de cette dalle quasi funéraire que l’orgueil germanique pensait avoir scellée là, à tout jamais, sur la gloire militaire de la France. Mais, pour une telle méditation, sans doute fallait-il la complicité du brusque crépuscule d’hiver, faisant le vide et le silence autour de nos ombres pensives.

Bref, nous ne reprîmes le chemin de la gare qu’à la nuit close. Et nous allions par des rues enténébrées, sans rencontrer