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ne l’avait-il pas déjà faite à tout venant, sans réticence comme sans forfanterie ? Son confesseur lui avait promis de venir à son secours « par les différentes questions qu’il lui ferait, par rapport à chaque âge de sa vie, sur les commandements de Dieu et de l’Eglise. » Nous n’avons pas fait autre chose, quand, feuilletant ses ouvrages, nous y avons relevé presque à chaque page l’aveu de ses faiblesses.

L’abbé Pouget avait raison : jamais La Fontaine n’avait été « absolument un mécréant, » mais toute religion avait été absente de sa vie. Il croyait en Dieu. L’ordre qui règne dans l’univers est, d’ailleurs, la seule raison qu’il ait jamais donnée de sa croyance. « Dieu fait bien ce qu’il fait, » et la preuve, c’est que les citrouilles ne poussent pas sur les chênes ! Puis, ayant donné ce satisfecit à la Providence, il se jugeait quitte avec elle. Les dieux de l’Olympe lui étaient plus familiers que les saints du Paradis. Son imagination était à tel point hantée de mythologie que, nous qui sommes devenus assez ignorants de la fable antique, nous nous trouvons parfois embarrassés pour comprendre du premier coup tels ou tels vers de La Fontaine. Vis-à-vis du paganisme, son sentiment ressemblait à celui de tant de nos contemporains vis-à-vis du christianisme : il avait la piété sans la foi, mais de cette piété, de cette tendre piété su poésie était pénétrée. Quant à sa morale, tout épicurienne, il ne se fut jamais avisé de la réduire en maximes philosophiques, mais elle était la fidèle servante de ses goûts et de ses passions,


L’effet bon ou mauvais de son tempérament.


A vingt ans, il avait passé par l’Oratoire où ses maîtres avaient, sans doute, cherché à lui enseigner la théologie et la vertu : qu’en avait-il retenu ?

Il s’était bien gardé de prendre parti dans les grandes disputes religieuses qui passionnaient son siècle. La lecture des Provinciales l’avait diverti et lui avait inspiré une épigramme et une amusante ballade : Escobar suit un chemin de velours, où d’ailleurs il approuvait la condamnation de Jansenius, « auteur de vains débats. » Un moment, on eut, il est vrai, la surprise de le trouver en relations avec les messieurs de Port-Royal. En 1671, un personnage équivoque, l’oratorien Loménie de Brienne, avait persuadé aux jansénistes de publier un choix de « poésies chrétiennes » sous la caution de La Fontaine, et de dédier le tout