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et des travaillistes, s’accorda sur un projet de large autonomie analogue à celle dont jouissent les Dominions, avec Parlement unique, des garanties politiques étant prévues on faveur de la minorité, et les pouvoirs militaires étant réservés au gouvernement impérial. La question litigieuse des impôts et notamment des douanes était laissée en suspens jusqu’après la guerre ; sur ce point se séparent les nationalistes intransigeants, notamment les représentants de l’Église catholique, qui refusent de renoncer même provisoirement au droit de taxation douanière. Quant aux Orangistes, qui se sentent soutenus par la coalition en Angleterre, ils disent non à tout, et rien ne peut les rallier au principe de l’unité constitutionnelle de l’Irlande. Au total, c’était moins un échec qu’un demi-succès. Cependant M. Lloyd George refusa de prendre les conclusions de la Convention pour valables et de les faire loi : l’Ulster n’était-il pas dans la minorité ?


VI

Encore une fois, c’est donc l’Ulster qui barre la route à l’Irlande, et l’Irlande se voit refuser l’autonomie parce que la minorité ulstérienne s’y oppose. C’est ainsi la thèse tory qui triomphe depuis 1914 : le salut de l’Ulster est la suprême loi, car l’Ulster est le gage de l’Angleterre en Irlande, son instrument de domination, il est le « coin » enfonce dans l’Ile Verte pour y assurer à la fois l’autorité britannique et la discorde irlandaise. C’est l’Ulster qu’il faut satisfaire en Irlande, en même temps qu’il faut empêcher la formation d’une Irlande unie contre la Grande-Bretagne. Cela est si vrai que c’est tout le but (nous anticipons un peu ici sur les événements) de la récente « loi sur le gouvernement de l’Irlande, » promulguée en décembre dernier. Par cette loi, qu’aucun représentant de l’Irlande nationale n’a votée, l’Irlande est coupée en deux : d’une part, l’Ulster, ses six comtés (dont deux, notons-le, à moitié nationalistes), et de l’autre, ce qu’on appelle négligemment le « reste » de l’Irlande ; deux Parlements, ou plutôt deux semblants de Parlements, car leurs attributions sont réduites quasiment à rien, notamment au point de vue fiscal, l’Irlande restant financièrement sous la dépendance de l’Angleterre ; entre les deux Parlements, un trait d’union, le Conseil commun, où ils seraient représentés à légalité, et qu’ils ne pourraient transformer en Parlement