Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/355

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Entre la franche citation, qui rend à César ce qui appartient à César, les honnêtes guillemets, qui indiquent avec précision les limites d’une dette, les déclarations reconnaissantes, qui sont un juste hommage à l’originalité vraie, et le plagiat pur et simple, il y a des nuances subtiles. On peut citer son auteur, mais dans un autre passage que celui qu’on copie, beaucoup plus loin, voire en le critiquant, et en lui reprochant son manque de fantaisie. On peut citer son auteur, tout en laissant croire au public qu’on lui doit vraiment peu de chose, et qu’on agit par excès de scrupule en le nommant. Mais ces ruses variées ne doivent pas tromper. Il y a plagiat, chaque fois qu’on dissimule, par quelque procédé que ce soit, tout ou partie de ses emprunts.

Ceci posé, retournons à Stendhal, et voyons deux cas nouveaux. Le premier peut être discuté ; le second est indiscutable.

Il s’agit d’abord de Racine et Shakspeare. On se disputait fort, vers le temps où Stendhal quitta Milan pour rentrer à Paris, en 1821 ; en attendant les grandes œuvres, qui ne se décidaient pas à venir, on menait l’assaut contre les théories classiques ; on attaquait la règle des trois unités comme si c’eût été pour la première fois. Mais elles tenaient bon ; et même, ses partisans la défendaient par un argument qui ne laissait pas d’embarrasser ses fougueux adversaires. Si les classiques ont voulu que chaque tragédie se limitât à une seule action, en un, seul jour, en un seul lieu, ce n’était pas pour le plaisir de torturer les auteurs : ils entendaient respecter la vraisemblance. Étant donné qu’une représentation dure environ trois heures, une pièce de théâtre dont l’intrigue se noue et se dénoue en vingt-quatre heures est plus vraisemblable qu’une autre pièce, dont la durée embrasse deux ou trois ans. Étant donné que les acteurs n’ont à leur disposition que les quelques pieds carrés de la scène, une pièce de théâtre qui se déroule en un seul lieu est plus vraisemblable qu’une autre, qui promène les spectateurs de l’Afrique au Japon. Que répondre à cela ?

A Milan, on avait déjà répondu. Dès 1814, Mme de Staël avait posé devant les Italiens le problème romantique, qui était devenu le problème vital. Réveillée désormais, après la grande secousse napoléonienne, voulant vivre de sa vie propre, l’Italie comprenait qu’elle devait réaliser d’abord son unité morale et intellectuelle, si elle voulait constituer son unité