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frappés par de curieuses ressemblances, et qu’en dépit de l’interdit, ils procèdent à des vérifications. M. Fernand Gohin a l’occasion de parcourir les Notes d’un voyage dans l’Ouest de la France, de Prosper Mérimée ; et peu après, le second tome des Mémoires d’un touriste, de Stendhal. Certaines pages se ressemblent étrangement ; et en effet, comparaison faite, les emprunts apparaissent, indéniables. Dans l’ouvrage de son ami, publié deux ans avant le sien, Stendhal a fait de larges coupures. Il a trouvé plus commode de décrire la Bretagne d’après Mérimée que d’après nature. Il n’est pas jusqu’à des phrases entières, des métaphores, des traits, qu’il ne fasse passer tranquillement dans sa prose. Il s’attribue des jugements personnels, qu’il prend tout faits. Mérimée, dont la science archéologique est sûre et étendue, compare la cathédrale de Dol aux églises gothiques d’Angleterre, en particulier à celle de Salisbury. « Suivant moi, dit Stendhal, l’église de Dol ressemble tout à fait à la fameuse cathédrale de Salisbury. » Ce suivant moi manque de pudeur. — Du coup, M. Gohin continue son enquête ; il constate que d’autres ouvrages de Mérimée, les Notes d’un Voyage dans le Midi de la France, et même un mince Essai sur l’architecture religieuse au moyen âge, contribuent à l’ornement des Mémoires d’un Touriste. « Ce n’est plus un critique étranger qu’il copie ou plagie ; c’est un écrivain français illustre, son compagnon de voyage et son ami, Mérimée. »

Vers le même temps, autre découverte. Encore un plagiat de Stendhal ! s’écriait M. Maurice Barber, en signalant « une preuve nouvelle de ces instincts de pillerie et de menterie. » Cette fois, c’est Millin, auteur d’un copieux Voyage dans le Midi, qu’il a bien voulu traiter avec une faveur particulière. Il l’a distingué entre tous, en lui dérobant la description d’Avignon, celle de Saint-Esprit, celle de la foire de Beaucaire, qui passe pour un de ses bons morceaux. Voyez pour Avignon ; Millin avait écrit :


Les murs sont bâtis de pierres carrées et unies parfaitement jointes ; les créneaux qui les couronnent sont d’une grande régularité ; les mâchicoulis sont supportés par un rang de petites consoles d’un charmant profil, et le tout est flanqué de tours carrées, placées à des distances égales, et dont la disposition symétrique est du plus bel effet. Le temps a donné à ces pierres si égales, si bien jointes et si bien polies une teinte brunâtre qui augmente encore l’effet de l’ensemble.