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qui prit fait et cause pour son aîné. Puis la presse parisienne se lassa de cette dispute entre gens de lettres ; elle cessa d’insérer les lettres de Carpani, qui pendant des années chercha quel pouvait être ce mystérieux Bombet, qui l’avait bafoué après l’avoir volé. L’affaire n’avait jamais été oubliée complètement ; mais la critique contemporaine, fureteuse, et qui n’aime rien tant que les petites histoires au sujet des grands auteurs, a repris en mains les pièces du débat. Pas de doute possible ; Stendhal a outrageusement pillé Carpani ; il lui a pris plus des trois quarts de son livre ; et pour le dire avec les plus récents éditeurs de l’ouvrage, « ce qui est bien plus grave, et ce qui l’atteint, lui et ses défenseurs, jusque dans leurs derniers retranchements, c’est qu’il n’a pas beaucoup moins emprunté à la partie esthétique qu’à la partie historique des Haydine… » En sorte que beaucoup d’idées, qui semblent, suivant la formule, « bien stendhaliennes, » ont pour caractère essentiel de n’être pas de Stendhal.

Bien stendhalienne aussi paraissait l’Histoire de la peinture en Italie, qui devait forcer l’admiration de la postérité, ayant « cent cinquante ans dans le ventre : » elle devait, en tout cas, plaire aux happy few, à l’élite qui seule est capable de goûter les œuvres véritablement belles et délicates. Or l’homme de France qui connaît le mieux Stendhal, M. Paul Arbelet, s’est plu à regarder de près ce monument, et il n’a pas perdu sa peine. Quelle surprise ! Des paragraphes, des pages, et presque des chapitres, retournent à leur légitime propriétaire, l’abbé Lanzi, auteur d’une Histoire de la peinture un peu verbeuse, mais solide et bien informée. Quelques-uns des meilleurs passages sur Léonard de Vinci reviennent aux Mémoires historiques d’Amoretti ou à la Cène de Bossi. Pignotti reprend les développements qui concernent la Toscane. Ceci sans préjudice d’une foule d’emprunts de détail. Stendhal, sauf exception, ne décrivait pas les tableaux sur la vue des tableaux ; il aimait mieux picorer parmi les auteurs les plus divers ; il poussait l’application jusqu’à recopier les notes en même temps qu’il traduisait le texte : d’où une apparence d’érudition qui donnait, comme on voit, du sérieux à l’ouvrage. Il a raconté à plusieurs reprises, et, j’imagine, avec de secrètes délices, que les Italiens avaient un moyen fort spirituel de prendre sur le fait les plagiaires, en matière de musique. Si le compositeur dont on exécute l’ouvrage, nous dit-il textuellement, a dérobé à un autre un aria ou