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SUR L’ESPACE ET LE TEMPS SELON EINSTEIN.

a au contraire une vitesse diminuée lorsque l’observateur fuit devant lui. S’il en était ainsi, tout serait simple ; les lois de l’optique seraient les mêmes que celles de la mécanique, aucune contradiction entre elles n’aurait jeté l’émoi dans l’armée paisible des physiciens, et Einstein aurait dû employer à autre chose les ressources de son génie. Malheureusement, — ou peut-être heureusement, car, après tout, l’imprévu et le mystère seuls donnent du charme à la marche de ce monde, — il n’en est rien.

Les observations physiques, comme les astronomiques, montrent qu’en toutes circonstances, qu’on coure très vite au-devant de la lumière ou qu’on fuie devant elle, toujours elle a par rapport à l’observateur exactement la même vitesse. Il y a, en particulier, dans le ciel des étoiles qui s’éloignent ou se rapprochent de nous, c’est-à-dire dont nous nous éloignons ou nous rapprochons avec des vitesses de plusieurs dizaines et même de centaines de kilomètres par seconde. Eh bien ! l’astronome de Sitter a montré que la vitesse de la lumière qui nous en arrive est pour nous et toujours exactement la même.

Ainsi, on ne peut jamais, par aucun artifice, par aucun mouvement ajouter ou retrancher quelque chose à la vitesse avec laquelle nous parvient un rayon lumineux. L’observateur constate que la vitesse de la lumière est, par rapport à lui, toujours exactement la même, que cette lumière provienne d’une source qui s’éloigne ou qui se rapproche très vite, qu’il coure à la rencontre de cette lumière ou qu’il fuie devant elle. L’observateur peut toujours augmenter ou diminuer la vitesse par rapport à lui d’un obus, d’une onde sonore, d’un mobile quelconque, en s’élançant vers ce mobile ou en fuyant devant lui. Quand le mobile est un rayon lumineux, on ne peut rien faire de pareil. Ainsi, la vitesse d’un véhicule ne peut en aucun cas s’ajouter à celle de la lumière qu’il reçoit ou qu’il émet, ni s’en retrancher. Cette vitesse, limite de près de 300 000 kilomètres par seconde, qu’on observe toujours pour la lumière, est, à divers égards, analogue à la température de 273° au-dessous de zéro qu’on appelle le « zéro absolu » et qui est, elle aussi, dans la nature, une limite infranchissable.

Tout cela prouve que les lois qui règlent les phénomènes optiques ne sont pas les mêmes que les lois classiques des phénomènes mécaniques. C’est à concilier, à réconcilier ces lois appa-