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Toute la fin de notre traversée est attristée par la maladie de M. Lippmann. Un jour on nous fait espérer qu’on le sauvera, le lendemain le mal a pris le dessus et il expire doucement, après une lente agonie, en vue des côtes de France. Sa femme est admirable de résignation et de fermeté stoïque. Encore une femme de chez nous !

Nous rentrons du Havre à Paris, le 14 juillet, et tout de suite nous sommes tous ressaisis par le charme qui se dégage de la terre de France.

Au Canada, tout est grand, presque démesuré ; ici tout est beauté et harmonie. D’un côté, l’immensité des territoires, des plaines et des forêts qui s’en vont à l’infini, des fleuves qui s’allongent sur des milliers de kilomètres en traversant des lacs qui sont des mers ; de l’autre, des paysages qui s’encadrent dans un décor sans cesse changeant, toujours d’un fini exquis dans une incomparable variété. Là-bas, d’énormes richesses latentes ; ici, d’admirables joyaux sertis au cours des siècles. Là-bas, l’avenir avec ses vastes espoirs ; ici, le passé avec les trésors d’une merveilleuse histoire qui n’est point close et dont le dernier chapitre écrit dans le sang, illustré de victoires, est le plus glorieux de tous. Des deux côtés, l’équilibre des facultés et le rayonnement de l’âme dans la confiance en l’avenir.

Ô Canada français, comme nous comprenons ta devise : « Je me souviens ! »

Cette devise, nous la faisons nôtre : nous aussi, nous nous souviendrons.

C’est dans cette union de pensées que nous murmurons amoureusement, tandis que le train nous emporte vers Paris : « Salut, terre des aïeux, que tes enfants séparés et ceux qui vivent de toi aiment d’un amour égal ; salut, ô douce France, reine des patries ! »

Maréchal Fayolle.