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propre, conservant religieusement notre langue, nos mœurs, nos traditions. Ils sont fiers de leur origine comme d’un titre de noblesse et ne demandent qu’à entretenir avec nous d’étroites relations, intellectuelles, commerciales, industrielles. Leur avenir est certain, parce que leur puissance d’expansion est incoercible. Rien n’arrêtera le développement de leur population ; elle sera de dix millions dans quelques années, — et toujours la même question : dans cent ans combien seront-ils ?

La vérité est qu’une nouvelle France grandit de l’autre côté de l’Atlantique, qui fera rayonner sur le Nouveau-Monde le génie de notre race.

Ainsi apparaît l’importance du rôle que joue le Comité France-Amérique, dont nous avons été les missionnaires, et l’intérêt qu’il y a pour nous à rester unis avec les Canadiens français, en particulier en maintenant entre nos universités et celles de Québec et de Montréal les rapports les plus intimes.

Qui peut dire ce que nous réserve l’avenir ? Un monde nouveau est en formation. Le Canada n’est rien auprès des États-Unis qui comptent plus de 100 millions d’habitants. Si dans cent ans le Canada a la prétention de voir sa population décuplée, que sera-ce de ce peuple américain jeune, ardent, audacieux, riche et entreprenant, plein de confiance en lui-même, capable d’absorber des représentants de toutes les races de l’Europe et de les fondre comme dans un creuset pour en tirer une race nouvelle bien définie, homogène, ayant ses traits distincts et son caractère particulier.

L’axe d’influence du monde serait-il en train de se déplacer et de franchir l’Atlantique ? Notre vieille Europe s’achemine-t-elle vers l’automne de ses destinées ? Au point de vue économique, cela paraît certain et cette prédominance en entraînera bien d’autres. Certes, « l’esprit souffle où il veut, » et l’éclat du Génie Latin n’est pas près de pâlir ; il continuera pour le plus grand bien de l’humanité à rayonner sur le monde. Toutefois il ne sera pas inutile qu’un nouveau foyer s’allume et grandisse là-bas dans ce lointain et noble pays que nous venons de visiter, où nos soldats et nos paysans ont apporté et conservé ce qu’il y a de meilleur en nous, nos qualités maîtresses, la clarté de l’esprit, la générosité du cœur et la passion de l’idéal.