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quai ou à la sortie, une demi-compagnie de troupes anglaises ou de milice canadienne rend les honneurs, tandis qu’une musique joue la Marseillaise et que la foule acclame la Mission.

A peine sommes-nous arrivés à l’hôtel qu’il faut repartir pour aller à l’Hôtel de ville, dont nous montons les degrés en traversant une foule compacte qui applaudit en criant : « Vive la France ! » visiblement curieuse de voir « des Français de France. »

La première sensation est un peu troublante. Sommes-nous en France ou au Canada ? sur les bords du Saint-Laurent ou sur ceux de la Seine ? à Montréal ou dans quelque ville de Normandie ? L’illusion est complète, car les souhaits de bienvenue qu’on nous adresse sont exprimés dans le français le plus pur ; toutes les mains se tendent et tous les visages sourient. Ce sont bien les membres d’une même famille qui se retrouvent, se reconnaissent, se félicitent et demandent des nouvelles, parlant à la fois du passé et du présent.

En sortant de l’Hôtel de ville, nous visitons l’ancien « Gouvernement français, » modeste édifice aujourd’hui transformé en musée de souvenirs. Partout sont gardés religieusement les témoins du passé et de ce qu’on appelle ici à juste titre l’épopée canadienne, les temps héroïques de Montcalm et de Lévis. Après toute une série de visites, parmi lesquelles celle de l’École commerciale, qui constitue une annexe de l’Université française, ou Université Laval, nous arrivons au banquet. Il commence à une heure et ne se terminera qu’à quatre heures et demie. Discours et discours.

Mais avant les discours, il y a les « santés, » et il faut noter ici une scène qui ne manque pas de grandeur. Le président se lève et dit en tenant haut son verre : « le Roi ! » Aussitôt toute la salle est debout et l’orchestre entame le God save the King que tout le monde chante à pleine voix. On se rassied. Le président se relève une minute après et dit : « la France ! » Alors éclate la Marseillaise, que les assistants clament avec le même entrain que le God save the King de tout à l’heure. Souvent il y a une troisième santé, « le Canada, » et cette fois on entend comme une sorte de vieille chanson française, lente et grave, douce et berceuse, pleine d’amour.

A l’heure des discours, et tant que nous serons en terre « française, » nous entendrons souvent de belles harangues que la Sorbonne applaudirait. Aujourd’hui, c’est d’abord le ministre