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— Regardez, nous dira bientôt le sénateur Beaubien, quand nous descendrons en bateau le Saint-Laurent, de Montréal à Québec, admirez notre grand fleuve ! Dans ses eaux sont venues se jeter, à Montréal, celles de l’Ottawa ; elles coulent ensemble sans se confondre, celles du Saint-Laurent limpides et bleues, celles de l’Ottawa plus foncées ; elles portent avec la même docilité les bateaux qui nous appartiennent ; c’est l’image de notre Canada, terre commune à nos deux races.

Mais il y a un fait nouveau dont nos amis n’aiment pas beaucoup à parler et qui visiblement les laisse soucieux. Depuis quelques années, les Américains se portent en foule vers les provinces de l’Ouest : Sackatchevan, Alberta, Columbia, et il en résulte qu’au Canada se forment en réalité trois groupements : français à l’Est, anglais au Centre, américain à l’Ouest.

Sur les 7 millions d’habitants qui forment la population du Canada, combien y a-t-il au juste d’Américains ? Le prochain recensement le dira, mais il demeure certain que le nombre des Américains va sans cesse en croissant et qu’ils restent, eux, américains. Or, les États-Unis comptent 110 millions d’habitants ; ces deux pays sont en contact, de l’Atlantique au Pacifique, sur une frontière ouverte de plus de 5 000 kilomètres d’étendue. Dans ces conditions, le Canada pourra-t-il résister, sinon à la pression, du moins à l’attraction des États-Unis qui considèrent comme de droit naturel que toute l’Amérique du Nord soit leur domaine de libre expansion ?

Voilà sans doute le gros danger qui menacera l’indépendance du Canada, dans un avenir plus ou moins éloigné. Toutefois, on peut affirmer que les groupements anglais et français n’en resteront pas moins puissants et libres dans leur développement.


Nous arrivons à Montréal, à neuf heures du matin, par un temps magnifique, et aussitôt commence une série de réceptions, de visites et de banquets qui sera très fatigante parce qu’ininterrompue, d’autant plus qu’une lourde vague de chaleur passe sur l’Amérique et que la température ne descendra guère au-dessous de 30°.

A la gare nous attendent un représentant du gouvernement canadien, le ministre de la Justice, Doherty, et les autorités de la ville. Le cérémonial sera le même à peu près partout : sur le