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tion de l’Inde comme membre de l’Empire britannique et l’existence d’incapacités infligées à des Indiens britanniques dans d’autres parties de l’Empire. » Le général Smuts protesta contre ce vote en alléguant que des motifs exceptionnels interdisaient à l’Afrique du Sud de traiter les Indiens immigrés comme les habitants. Les représentants de l’Inde répliquèrent qu’ils ne pouvaient accepter cette inégalité. On n’a pas songé, pour régler le différend, à consulter la Société des Nations ; mais il a été entendu que les deux Dominions intéressés pourraient engager, en dehors de la Grande-Bretagne, des négociations directes pour arriver à un arrangement. Innovation des plus graves, car le droit pour les Dominions de traiter les uns avec les autres, en arrière de la mère-patrie, est une étape de plus sur la voie de l’émancipation. N’oublions pas qu’au même moment, le Canada s’apprête à se faire représenter à Washington, pour y défendre, à sa manière, des intérêts proprement américains, dont chaque jour augmente l’importance. Dès maintenant, l’Empire britannique est donc, en réalité, un vaste groupe de nations, éparses sur toute la surface du globe et séparées, autant que par la distance, par le développement naturel de leurs forces politiques. Il est à craindre que le Conseil impérial ne trouve tôt ou tard sur son chemin des cailloux aussi désagréables que ceux contre lesquels vient de buter le Conseil suprême.

Cette fois, tout a fini à Londres par des embrassements, mais l’accord ne s’est fait que par de larges sacrifices réciproques. Dans l’affaire du Pacifique, c’est l’esprit des Dominions qui l’a emporté. Pour ménager l’Amérique, ils ont obtenu que l’alliance avec le Japon, au lieu d’être d’ores et déjà renouvelée, fût simplement considérée comme prorogée jusqu’à dénonciation. Leur désir eût même été qu’à l’accord anglo-japonais se substituât un arrangement entre la Grande-Bretagne, les États-Unis et l’Empire du Mikado ; et dans la pensée de favoriser cette Cordiale entente d’Extrême-Orient, ils auraient voulu qu’avant la conférence convoquée par M. Harding à Washington, il se tînt à Londres ou, au pis-aller, à Washington, une réunion préparatoire des Puissances qui se disputent sourdement le Pacifique. J’ajoute, d’ailleurs, que M. Hughes, qui est un très sincère ami de la France et qui m’a donné à moi-même, pendant la guerre, des gages inoubliables de ses sentiments, avait pris soin de déclarer que le problème du désarmement naval ne pouvait pas être étudié en l’absence de notre pays. Mais les États-Unis n’ont pas adhéré à l’idée de deux conférences successives et, dans le rapport final qu’ils ont