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ni vrai ni faux : cela n’est rien. Les gens qui ont dit cela, qui n’ont point fini de le dire et le diront sans relâche, sont-ils sincères ? Ils ne sont ni loyaux, ni fourbes : ils n’ont rien dit, n’étant eux-mêmes absolument rien.

L’on a tort, en général, de poser à tout bout de champ la question de sincérité. La sincérité veut au moins que l’on ait eu un peu de méditation, veut que l’on ait examiné son opinion : si, par bonheur, on a pu l’essayer, tant mieux ! Combien d’amis avez-vous qui donnent quelquefois le signe d’avoir un instant réfléchi ? Combien d’aphorismes entendez-vous, dans une journée, qui ne soient pas tout uniment des mois à l’aventure ? Ces mots forment les petites phrases qui servent à la causerie de l’Instar.

Innocentes petites phrases ? Mais non : car elles remplacent, n’étant que néant, des convictions, des croyances qui vaudraient mieux, étant pleines d’une substance véritable. Veuillez y songer : les âmes qui, une fois, se sont mises à l’Instar cessent tout aussitôt d’être des âmes.

Pour s’en être aperçu, pour l’avoir montré, M. Franc-Nohain se range parmi nos moralistes clairvoyants.

L’un de ses volumes est intitulé le Pays de l’instar ; mais il a consacré plusieurs ouvrages à la peinture de cette folie. Son roman le Gardien des muses est l’histoire d’un assez bon ménage provincial et qui vient à Paris parce que le mari, député du Plateau central, est nommé sous-secrétaire des Beaux-Arts. Bonnes gens, les Grivot : seulement, les voici lancés dans la politique, où ils seront, comme il est difficile de n’y pas être, futiles et ridicules. Grivot ne sera plus un homme du Plateau central ; Grivot ne sera plus Grivot : Grivot ne sera plus personne. La politique est une des régions les plus comiques et lamentables du pays de l’Instar. Et, à la politique, se rattache le monde (pour ainsi parler) des fonctionnaires : M. Franc-Nohain les a étudiés surtout en province, autant de menus Grivots.

Mais la maladie n’est pas bornée aux seules victimes de la politique et de l’État ; les victimes sont plus nombreuses que nous n’avons de politiciens et de commis. Elle se répand, et à Paris même, en tous lieux et dans les différentes classes de la société, par l’effet de l’éducation moderne, qui est absurde assez souvent. Le petit roman des Serinettes offre la fine et juste satire de l’enseignement le moins fait pour rendre les jeunes filles attentives à leur pensée. Qu’est-ce qu’on leur enseigne ? Un bavardage universel.

Si je présente M. Franc-Nohain comme ce moraliste, j’ai l’air d’ou-