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LITTÉRATURES ÉTRANGÈRES

UN JULIEN SOREL ITALIEN


G.-A.. BORGESE : RUBÈ[1]


C’est à Verdun que je rencontrai M. G.-A. Borgese. Je connaissais déjà son rôle politique, sa critique de l’Allemagne nouvelle, sa campagne retentissante de la Guerre des idées. Je fus surpris de sa jeunesse. J’avais devant moi un grand jeune homme tout de feu, extraordinairement maigre et noir, sombre et brûlé comme le Midi, avec un surprenant éclat de jais dans les yeux, la parole brusque et torrentueuse, et quelque chose de dramatique dans la volubilité sicilienne de ses gestes, où l’on sentait toute une escrime redoutable de souplesse et de rapidité. Pour accentuer cette impression, le hasard nous avait donné un compagnon bien différent, qui était un colonel suisse, rédacteur militaire d’une gazette de Zurich. Et rien n’était plaisant comme le contraste de ces deux êtres et comme l’agacement réciproque qu’ils se causaient l’un à l’autre par la seule différence de leurs natures physiques. Je pris là une piquante leçon de géographie humaine.

M. G.-A. Borgese doit avoir aujourd’hui un peu moins de quarante ans. Il a déjà publié une douzaine de volumes, dont les premiers le signalaient aux environs de 1903. Dès l’âge de vingt ou vingt-deux ans, il se plaçait au rang des maîtres.

  1. 1 vol. in-18, Milan, Fratelli Trêves, éditeurs, 1921.