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se sont accrochées le long des murailles, tandis que des arbustes se balancent sur les corniches. Par-ci par-là des pavés disjoints, débris des rues d’antan, ne servent plus maintenant qu’à quelques Indiens vivant dans des cases ou à des lézards chassant les insectes.

À la fin de la première moitié de 1600, Panama comptait plus de 30 à 40 000 âmes ; près de 2 000 habitations de riches marchands, disent les historiens, construites en cèdres odorants, dans le goût des demeures d’Andalousie, s’élevaient, entourant des patios frais dans lesquels le soleil ne pénétrait jamais. Les employés, les ouvriers, les pauvres gens vivaient dans 5 000 autres maisons de cèdres également. Des Génois faisant la banque et le commerce des nègres, possédaient un comptoir.

Dès 1517, l’empereur Charles-Quint avait accordé à des négociants de cette nationalité, le privilège d’introduire en Amérique des nègres d’Afrique.

Deux grandes églises, huit monastères, dont les chapelles scintillaient sous leur parure d’argent, un hôpital, se dressaient au milieu de cette ville, active, opulente et heureuse, quand, en 1671, elle fut ruinée de fond en comble par Morgan.

Sous l’impulsion de ce chef remarquable, les boucaniers avaient atteint le sommet de leur réputation. Au mois de décembre 1670, quittant les îles de la mer des Antilles, ils tinrent un conseil de guerre au Cap Tiberon, afin de savoir s’ils iraient piller Carthagène, La Vera Cruz ou Panama. Pour son malheur, cette dernière ville fut choisie.

Après s’être emparé du château de Chagres, Morgan, à la tête de 1 200 hommes, et d’un peu d’artillerie, marcha de l’avant. Avec une rare imprévoyance pour des gens qui, le plus généralement, ne pouvaient compter que sur eux-mêmes, les boucaniers n’emportèrent aucun approvisionnement. Les Espagnols firent le vide devant eux ; aussi, dès le lendemain du départ, n’eurent-ils d’abord, pour tromper leur faim, que la ressource de fumer, puis de manger le cuir des guêtres et des gibernes. C’est donc dans un état lamentable qu’ils parvinrent devant la ville convoitée, défendue par de la cavalerie, quatre régiments d’infanterie, du canon et des taureaux sauvages que des nègres et des Indiens lancèrent sur eux.

Malheureusement pour les Espagnols, leur plan de défense avait été si mal conçu que dès le premier choc ils furent défaits.