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Villes ou campagnes, de l’aveu de toutes les autorités compétentes, le déclin des pratiques religieuses est très antérieur à la République de 1870 ; en certains diocèses, on le fait même remonter au jansénisme. Ce qui est récent, c’est un réveil, un renouveau chrétien ; et le plus curieux, c’est que ce renouveau se manifeste surtout dans les villes, par des œuvres, des patronages de jeunesse, par l’affluence croissante d’hommes qui tiennent à assister à la messe le dimanche, même en des localités où régnait dès longtemps une hostilité connue : à la cathédrale de Sens, 75 000 communions maintenant dans une année, au lieu de 35 000 il y a dix ans ; à Auxerre, 40 000 communions par an de plus que naguère.

Cela prouve seulement, dira-t-on, que la foi augmente en intensité dans une minorité agissante, mais non qu’elle gagne en étendue dans la masse ; il est bien clair que, pour le diocèse de Paris, le chiffre de six millions d’hosties consacrées distribuées annuellement signifie qu’un dixième des Parisiens sans doute pratique la communion fréquente, puisque les neuf autres dixièmes s’en abstiennent totalement ; attendu que, s’il y a 12 000 Pâques à Saint-Sulpice sur 39 000 paroissiens et 10 000 à Chaillot sur 25 000 paroissiens, il n’y en a que 7 000 à Saint-Ambroise-Popincourt sur 90 000 et, à Sainte-Marguerite, 6 500 sur 96 000.

Ces 96 000 « paroissiens » du faubourg Saint-Antoine ne sont peut-être pas de très bons catholiques ; mais le sont-ils beaucoup moins que ce paysan du Berry qui, se rendant en pèlerinage avec ses moutons à la chapelle éloignée d’un saint, renommé protecteur de la race ovine, passe le dimanche devant l’église de son village sans se soucier d’y entrer pour entendre la messe, et comme on lui en fait le reproche : « Oh ! répond-il, avec le bon Dieu on s’arrange toujours, mais avec ces chtis saints-là, c’est si vengeancieux ! » Il est possible que, dans cinquante ans, ce berger berrichon cesse de ménager des saints qu’il ne croira plus redoutables ; il est possible aussi qu’à la même époque le Parisien des faubourgs ait retrouvé le chemin de l’église.

Du moins, c’est le mouvement qui se dessine un peu partout en France : la foi, qui s’attiédit dans les champs, se réchauffe, dans les agglomérations urbaines de chaque diocèse : en Bourgogne comme en Normandie, en Orléanais comme en