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là qu’un prétexte, car il s’agissait bien plutôt pour lui d’échapper aux nouveaux créanciers qu’il s’est fait pendant cinq années de séjour à Naples, où il exerce comme vous savez toutes les industries, depuis celle de débitant de journaux révolutionnaires, jusqu’à celle de marchand de comestibles et de restaurateur ; or, comme un de ses meilleurs amis me le disait hier, Dumas n’a pas l’habitude de séjourner impunément dans un pays quelconque sans y faire de dettes… Dumas vivait donc depuis un mois dans la capitale de ses triomphes littéraires, et de la majorité de ses créanciers, lorsqu’il y a trois jours, l’inspiration lui vient de fuir, toute affaire cessante. À cette résolution soudaine, ses intimes opposent la nécessité de rester au moins vingt-quatre heures de plus, pour régler certains intérêts en souffrance. « Non, leur répond alors Dumas, il faut que j’aille à Turin sans un quart d’heure de retard, car je pressens que mon ami Garibaldi va faire des sottises. Si je n’y vais pas, il est capable de s’en retourner à Caprera, et de cette année encore, nous ne prendrons pas Venise ! (sic ! ) » L’ami qui me rapportait ces paroles, vraiment olympiennes, les a entendues de ses oreilles, et pour peu que vous connaissiez ce colosse de hâblerie et de vantardise, c’est à peine si elles vous étonneront. »

Chaque événement politique ou autre, de nature à intéresser la voyageuse, est noté par son mari dans ses lettres. Voici Gaëtana ; la pièce d’About eut à l’Odéon la chute retentissante que l’on sait. On a vu que George Sand compara le succès de Villemer au désastre de Gaëtana (le sort des deux pièces d’ailleurs fut certainement dû à des raisons politiques). Or, au lendemain de la chute de la pièce d’Edmond About, le savant M. Babinet, de l’Institut, rédacteur à la Revue, habitué du whist hebdomadaire rue Saint-Benoît, dînait chez le prince Napoléon ; Edmond About, présent aussi, causait dans un groupe ; M. Babinet s’entretenait avec le Prince de son récent voyage en Amérique, et lui parlait du Niagara : « Nous avons vu là, Monseigneur, la plus belle chute du monde après Gaëtana. »

On sait combien Henri Blaze et sa femme furent opposés à l’Empire, mais les lettres du mari à la femme, si elles contiennent quelques critiques, et quelques traits à l’adresse du gouvernement de Napoléon III, sont, en somme, assez discrètes pour ne pas éveiller l’attention de la censure postale, constamment en éveil ; de 1860 à 1865, le thème de ses lettres consiste