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praticable que M. Armand Marrast, et c’est ce qui me fait voir l’avenir avec une anxiété bien vive. Nous sommes dans une impasse, car je suis trop voltairien pour dire dans un cul-de-sac.

« À propos, M. de C…[1]a parfaitement raison d’aller en Italie ; à sa place, si j’étais libre et sans liens, je ferais comme lui, c’est-à-dire que j’irais en Italie. Entendons-nous bien, et n’allez pas équivoquer sur les termes. Vous m’insultez sur la honte de mes guelfes et le triomphe de vos gibelins ; vous avez beau jeu pour cela. Mais les gibelins, avec leurs gros bras, leurs gros pieds, et leurs faces moitié sentimentales, moitié vineuses, n’en sont-ils pas moins d’odieuses créatures ? Au reste, on m’écrit d’Allemagne que cette fameuse unité germanique branle dans le manche, que les Prussiens n’en veulent pas, ce qui est tout simple, ni les Autrichiens non plus, chose plus extraordinaire, car enfin cette mauvaise plaisanterie semblerait faite à leur profit. Tant mieux pour la France, qui avait la stupidité d’applaudir à cette unité allemande, l’événement le plus fatal pour nous, s’il avait jamais pu s’accomplir. Par bonheur, il est impraticable, et nos généralisateurs de revues en seront pour leurs frais. Ce n’est pas une pierre dans votre jardin, car vous ne vous appelez pas Saint-René Taillandier, ou quelque autre saint du même calendrier, du moins que je sache.

« Que fait Buloz ? La Revue est en coquetterie avec moi ; la Presse me fait de la peine ; l’excursion de mon amie sur le banc d’acajou ne me semble pas digne d’elle ; il y a cependant dans le même article, une colonne sur Lamartine qui n’a pu être écrite que par une femme qui le connaît bien. Vertuchou ! c’est ce qui s’appelle déshabiller son homme de la tête aux pieds ; et la grande peinture génésiaque de M. Chenavard, destinée au Panthéon, qu’en dites-vous ? Je ne connais au reste que le Panthéon qui soit la véritable Église du chaos où nous sommes, et, lorsqu’il sera peinturluré par M. Chenavard et qu’on verra Jésus-Christ à côté de Théophile Gautier, le Panthéon sera complet[2]. »

En octobre Sainte-Beuve, fuyant Paris, arrivait à Liège. Prévenu de cette quasi-fuite, Saint-Priest écrivait, le 29 septembre, à Henri Blaze : « En vérité, je suis tenté de faire comme Sainte-Beuve. Mais pourquoi va-t-il à Liège ? Pour

  1. Custine.
  2. Coulomb, par Nogent-le-Roi (Eure-et-Loir), 9 septembre 1848 (inédite).