Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tels bénéfices qu’elles sont obligées de recourir à des artifices pour les ramener à une mesure décente[1].

Voilà ce qui doit nous donner à réfléchir, à nous autres Français. Le gouvernement actuel nous offre une « collaboration » qui pourrait en effet nous permettre de restaurer plus vite nos départements dévastés. Mais cette collaboration ne pourrait manquer de faciliter le développement déjà si remarquable de l’industrie allemande. Et dans quelques années, lorsque, grâce à ce concours, nos régions du Nord seront remises en état, nous nous trouverons en présence d’une industrie qui aura pris tant de force que la lutte sera impossible pour nous.


* * *

L’examen des différentes questions que je viens d’aborder, m’a souvent conduit à parler de l’Angleterre. Les Allemands font à ce sujet de singuliers aveux.

Aux yeux du professeur Höniger (il n’est pas seul de son avis), c’est l’Angleterre qui est responsable de la guerre, c’est elle qui a tout dirigé. M. Rathenau m’a parlé lui aussi de la « perfide Albion. » Il considère que l’Angleterre reste l’ennemi le plus dangereux pour l’avenir. Il estime qu’elle pèse d’un poids inquiétant sur la politique générale du monde. Il n’est pas éloigné de penser qu’une entente entre la France et l’Allemagne contre l’Angleterre pourrait devenir un jour une « nécessité. » Et pourtant l’Allemagne a aujourd’hui un tel désir de nous brouiller avec nos alliés qu’elle se montre pleine d’indulgence pour eux : il existe de l’autre côté du Rhin un véritable « courant d’anglomanie. » Il est pénible à un Français d’entendre des Allemands répéter, sous les formes les plus variées : « Les Anglais ! mais ce sont nos meilleurs alliés ! » On m’a plus d’une fois rappelé les affinités de race qui existent entre Allemands et Anglo-Saxons ; on m’a laissé plus d’une fois entendre que le terrain gagné par l’Angleterre était précisément le terrain perdu par nous. C’est avec une âpreté singulière qu’on cherche à relever les désaccords qui peuvent se manifester, soit au point de vue de l’occupation de la Ruhr, soit au point de vue de la

  1. Numéro de juillet 1921. Il n’est pas sans intérêt de noter que les caisses d’épargne, qui ont vu les dépôts augmenter, se sont mises à faire de la banque. Les sommes qui leur ont été confiées sont allées finalement à l’industrie, comme si on les avait portées chez un banquier.