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avons supporté assez de sacrifices pour ne pas être disposés à voir encore couler le sang de nos soldats.

Mais, me dites-vous, pourquoi nous plaindre et qu’y a-t-il à regretter ? Après quinze jours d’une pénible tension, n’avons-nous pas appris que tous les malentendus étaient dissipés et que l’accord était complet entre l’Angleterre et la France ? Accord complet sur la procédure, oui, sans doute. L’Angleterre se joignait à nous pour demander à Berlin de donner passage aux troupes, si des troupes étaient envoyées. Mais seul le Conseil suprême devait décider si, oui ou non, des renforts partiraient ; il se réunirait avant tout envoi, comme l’avait demandé M. Lloyd George ; et il examinerait la question de fond, la plus importante, la seule importante même, celle du sort de la Haute-Silésie. A l’heure où était partout annoncée l’entente définitive de l’Angleterre et de la France, les divergences de vues sur ce problème capital restaient aussi irréductibles que devant, et on allait rechercher une solution commune avec des difficultés d’autant plus grandes qu’on venait d’user, dans d’aigres et stériles discussions de forme, une partie de la patience et du sang-froid dont on avait besoin dans le débat final. A la réunion du Conseil suprême, la France s’est donc trouvée acculée peu à peu à de nouvelles transactions. Projet Marinis-Percival, projet Korfanty, projet du général Le Rond, projet Sforza, projets des experts, que de tâtonnements, que de contradictions, que de compromis, dans l’étude de cette introuvable frontière, qui doit, d’après le traité de Versailles, concilier les résultats du plébiscite par communes et « la situation géographique et économique des localités ! » Géographique, économique, chacun traduit ces expressions comme il l’entend. — Toute la Haute-Silésie est allemande, dit M. Wirth ; elle dépend géographiquement et économiquement du Reich ; c’est dans le Reich que son industrie a tous ses débouchés naturels. — Erreur, répond la Pologne, le plateau silésien n’est que le plateau polonais ; tout le réseau ferré haut-silésien, aussi bien que les voies fluviales, se développe en éventail dans la direction de l’Est ; il y a donc, de toute évidence, unité géographique et économique entre la Haute-Silésie et la Pologne.

Et la Pologne invoque, en outre, en faveur de sa cause, les cartes allemandes d’avant-guerre, les statistiques ethnographiques allemandes, les recensements de 1890, de 1906, de 1911, et les résultats généraux du vote par communes : toutes raisons qui eussent dû paraître décisives à des juges non prévenus. Mais l’opinion de