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nous revenons, nous ferons maison nette. Dans la Haute-Silésie allemande, il n’y a de place ni pour les Polonais, ni pour aucun autre étranger ? » Comment ces provocations réitérées n’auraient-elles pas surexcité les esprits et rendu les troubles inévitables ? Ajoutez à cela que les Alliés ont laissé sans aucune sanction le meurtre du commandant Montalègre. On a bruyamment annoncé que le bourgmestre de Beuthen avait été expulsé ; mais cette décision avait été prise avant le crime, à propos d’attentats antérieurs ; et si elle n’a été exécutée qu’après, elle ne peut cependant être considérée comme le châtiment d’un assassinat qu’elle a précédé.

La faiblesse des Alliés a eu naturellement pour effet de surexciter l’Orgesch. A Oppeln, un juge d’instruction français a été malmené par des agitateurs qu’il avait eu à interroger ; les lettres comminatoires, adressées à nos officiers, ont redoublé de violence ; dans les cercles du Sud, Rybnik, Ratibor, Kosel, les bandes du général Hoefer ont refusé de partir ; elles ont assassiné des Polonais et menacé des Français. Les contrôleurs de ces cercles, qui sont Italiens, ont dû renvoyer, tout récemment, à Oppeln, leurs adjoints français, de la vie desquels ils ne pouvaient plus répondre. Les armes continuent à arriver. L’Orgesch de Beuthen reçoit journellement des fusils et parle tout haut de chasser la garnison française. Les membres de cette formation, qui ne portaient autrefois leurs insignes que dans les bagarres, les arborent aujourd’hui continuellement. Cette même Orgesch a cherché à répandre la version allemande de la mort du commandant Montalègre : c’est un Polonais qui a tué cet officier, et cela pour exciter les Français contre les Allemands. A l’appui de cette fable, une main mystérieuse a envoyé au contrôleur anglais de Beuthen-campagne une lettre, signée d’un nom polonais quelconque, et conçue à peu près en ces termes : « Je suis l’assassin du commandant Montalègre ; je suis Polonais ; il m’avait désarmé pendant le soulèvement polonais ; j’ai tenu à me venger, c’est fait ; je me réfugie en Pologne, inutile de me chercher (bien entendu !) » L’officier anglais qui a ouvert cette lettre était trop intelligent pour tomber dans le piège et trop loyal pour ne pas faire part de la mystification à ses camarades français. La supercherie a donc été aisément découverte la piste du vrai coupable, l’Allemand Joschke, a vite été reconnue. Mais dans l’effervescence qu’entretiennent toutes ces manœuvres, à quels périls nos officiers et nos hommes ne sont-ils pas quotidiennement exposés ? Le Gouvernement britannique nous eût sans doute épargné sa semonce amicale, s’il avait bien voulu se rappeler que nous