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à l’Allemagne une occasion favorable de chercher, de nouveau, à diviser les Alliés et un prétexte pour nous opposer le traité de Versailles. Le gouvernement du Reich a invoqué le paragraphe 2 de l’article 88 : « La zone du plébiscite... sera occupée par les troupes des Puissances alliées et associées. Le Gouvernement allemand s’engage à faciliter le transport de ces troupes en Haute-Silésie. » Ce texte, a prétendu l’Allemagne, ne l’oblige à livrer passage qu’aux troupes envoyées au nom de toutes les Puissances alliées et associées. Rien de moins démontré ; mais enfin il suffisait que cette spécieuse interprétation pût être soutenue pour que la prudence nous conseillât de ne pas agir seuls. Était-ce cependant un motif pour que l’Angleterre blâmât si vivement la demande de passage, non pas immédiat, mais ultérieur et éventuel, que notre ambassadeur, M. Charles Laurent, avait été chargé de présenter à Berlin ?

Peut-être avons-nous eu le tort d’essayer de justifier surtout cette demande par la nécessité d’être en forces pour faire appliquer la future décision du Conseil suprême. Si c’eût été là le seul motif de l’envoi des renforts, il nous eût été évidemment difficile d’opérer en dehors de nos alliés. Mais n’y avait-il pas, en même temps, une raison de sécurité pour nos troupes ? Le Gouvernement anglais ignorait-il donc les périls qu’elles couraient et les attentats dont elles avaient déjà été maintes fois les victimes ? N’avait-il pas entendu parler de l’assassinat du commandant Montalègre ? N’avait-il rien lu des proclamations du général Hoefer ? Avait-il oublié que, le 25 février dernier, au cours d’une inspection de la Sturmkompagnie Tyrol du corps Oberland, ce général, que le Président du Reich a jugé bon de féliciter, s’était écrié : « Si les négociations avaient pour résultat de nous séparer d’une partie de la Haute-Silésie, nous reconstituerions la Haute-Silésie dans son intégrité, et cela, je crois, dans un avenir très rapproché ? » Et le lendemain, 26 juin, l’oberleutnant von Garnier, commandant un bataillon d’irréguliers allemands, ne remettait-il pas à ses soldats sur la place du marché de Klein-Strehlitz, un drapeau aux anciennes couleurs, noir, blanc et rouge, avec le vieil aigle allemand aux ailes éployées ; et, haranguant sa troupe, ne disait-il pas : « Le jour où l’appel aux armes retentira, voulez-vous vous rassembler à nouveau autour du drapeau de notre bataillon ? » Quelques jours plus tard, le 5 juillet, en gare de Kreuzbourg, n’était-ce pas encore l’oberleutnant von Rossbach, qui clamait : « Nous sommes venus pour défendre une terre allemande, et nous reviendrons lorsqu’on nous appellera. Mais nous déclarons que, si