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chacune des Puissances se trouvait en droit de prendre « respectivement » les mesures, sanctions et gages qu’elle pouvait juger nécessaires.

Le 18 avril, la Commission des Réparations proposait que l’encaisse métallique de la Reichsbank fût transférée dans les succursales de cet établissement à Cologne et à Coblentz. Cette encaisse devait ainsi former un gage bien modeste au profit des créanciers. Par lettre du 22 avril, la Kriegslastenkommission refusa tout net d’accéder à cette proposition. La réponse était si outrecuidante que, le 25 avril, la Commission des Réparations demanda que l’Allemagne livrât à la Banque de France, au plus tard le 30, la somme de un milliard de marks or. Le 29 avril, nouvelle réponse, évasive et dilatoire, de la Kriegslastenkommission. Le 30, pas un centime n’est versé ; et alors, le 3 mai, M. Louis Dubois, sir John Bradbury, le marquis Salvago Raggi, M. L. Delacroix reprennent leur meilleure plume pour écrire à la Kriegslastenkommission ; et ils lui déclarent formellement « que l’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 235 du Traité, et cela pour une somme d’au moins 12 milliards. » La Commission faisait simultanément connaître ce grave manquement à toutes les Puissances intéressées, communication qui, d’après le Traité, leur donnait un nouveau droit de prendre les mesures « respectives » qu’elles estimeraient convenables. L’occupation de la Ruhr avait été préparée ; la classe 1919 venait d’être rappelée sous les drapeaux ; l’Allemagne continua cependant à garder l’or de la Reichsbank.

Le 30 avril, le Conseil suprême s’était ouvert à Londres et le Gouvernement britannique s’était empressé de faire venir auprès de lui son délégué à la Commission des Réparations. Les autres Alliés imitèrent cet exemple, et le 4 mai, au lendemain de la sommation qu’elle venait d’adresser à l’Allemagne, la Commission tout entière était invitée à prendre un bain rafraîchissant dans l’eau douce du Conseil suprême. Le 5 mai, elle délibérait à Londres, sous l’œil protecteur des gouvernements alliés. Elle nous a fait savoir elle-même qu’elle avait dressé, dans sa pleine et entière indépendance, l’état de paiements du 6 mai. Je n’en doute pas. Mais on ne peut se défendre, malgré tout, de faire quelques remarques, qui laissent inexpliqué le brusque changement de front de la Commission. Au moment où, précipitamment convoquée à Londres, elle commençait à y tenir séance, les gouvernements alliés décidaient, par application, disaient-ils, du traité de Versailles (paragraphe 22 de l’annexe