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déplacée, entraînée qu’elle est par le mouvement de la terre. Au contraire, le rayon lumineux dans la lunette n’a pas participé à ce mouvement, ce qui cause précisément la petite déviation appelée aberration, et ce qui prouve que le milieu dans lequel se propage la lumière, l’éther qui remplit la lunette et entoure la terre, ne participe pas au mouvement de celle-ci.

Beaucoup d’autres expériences ont conduit au même résultat qui peut s’exprimer ainsi : l’éther, le milieu dans lequel se propage la lumière n’est pas entraîné par la Terre dans son mouvement, ne participe pas à celui-ci. Mais alors, puisque la Terre est mouvante par rapport à l’éther, puisqu’elle y avance comme un navire dans un lac immobile (et non pas comme un flotteur porté par le courant d’un fleuve), il doit être possible de mettre en évidence cette vitesse de la Terre par rapport à l’éther. Un des moyens qu’on peut imaginer dans ce dessein est le suivant. On sait que la Terre tourne de l’Ouest à l’Est sur elle-même et dans le même sens autour du soleil. Par conséquent, au milieu de la nuit, la révolution de la Terre autour du soleil l’entraîne dans un sens tel que Paris se déplace d’Auteuil vers Charenton avec une vitesse d’environ 30 kilomètres par seconde (le jour, c’est le contraire, Paris se déplace autour du soleil de Charenton vers Auteuil). Supposons donc qu’au milieu de la nuit un physicien placé à Auteuil envoie un signal lumineux ; le physicien de Charenton (ceci encore un coup n’est qu’une hypothèse), qui mesure la vitesse de ce rayon lumineux, devra trouver qu’elle est égale à V — 30 kilomètres. En effet, par suite du mouvement de la Terre, Charenton fuit devant le rayon lumineux, et par conséquent puisque celui-ci se propage dans un milieu, dans un éther qui ne participe pas au mouvement de la Terre, l’observateur de Charenton devra trouver que ce rayon lui arrive avec une vitesse plus faible que si la Terre était immobile. C’est un peu comme un train rapide devant lequel fuirait un observateur à bicyclette ; si le train rapide fait 30 mètres à la seconde, si le cycliste fait 3 mètres à la seconde, la vitesse du train par rapport au cycliste sera 30 — 3 = 27 mètres à la seconde ; elle serait nulle si train et cycliste avaient même vitesse.

Au contraire, si le cycliste va à la rencontre du train, la vitesse du train par rapport à lui sera 30 + 3 = 33 mètres par seconde. Pareillement, si c’est le physicien de Charenton qui au milieu de la nuit envoie un signal lumineux, et le physicien d’Auteuil qui le reçoive, celui-ci devra trouver que ce rayon lumineux a une vitesse égale à V + 30 kilomètres.