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tein, mais des fondateurs de la mécanique classique, des Galilée, des Newton, de ceux-là même qui admettaient pourtant implicitement, à la base de leurs équations, l’existence d’un temps absolu, d’un espace absolu. Pour reprendre l’heureuse expression de M. Capus, « la vitesse mécanique d’un mouvement uniforme comme celui de la terre » ne peut pas être mise en évidence pour quiconque participe à ce mouvement. Tous les systèmes de référence, en mouvement de translation, sont équivalents au point de vue mécanique ; c’est une chose qui était connue de tout temps.

Ce qui a contribué à porter toutes ces questions sur un plan nouveau, ce qui a conduit Einstein à donner une extension imprévue au principe de relativité de la mécanique classique, c’est le résultat d’une expérience célèbre de Michelson, qu’il me reste aujourd’hui à décrire brièvement.

On sait que les rayons lumineux se propagent dans le vide interastral ; c’est ce qui nous permet d’apercevoir les astres. Cela a conduit depuis longtemps les physiciens à admettre que ces rayons se propagent dans un milieu dénué de masse, et d’inertie, infiniment élastique, n’opposant aucune résistance au déplacement des corps matériels qu’il transpénètre de toute part, milieu que les physiciens appellent l’éther. Lord Kelvin considérait l’existence de l’éther comme aussi sûrement prouvée que celle de l’air que nous respirons. La lumière s’y propage à la manière des ondes dans l’eau et avec une vitesse voisine de 300 000 kilomètres par seconde et que je désignerai abréviativement par la lettre V.

Donc la terre circule autour du soleil dans un véritable océan d’éther et à la vitesse d’environ 30 kilomètres par seconde. Depuis longtemps la question suivante s’est posée : la terre entraîne-t-elle avec elle dans son mouvement autour du soleil, l’éther qui est en contact avec elle, de même qu’une éponge lancée d’une fenêtre emporte avec elle l’eau dont elle est imbibée. L’expérience a montré, ou plutôt les expériences ont montré (elles sont variées et concordantes) que la question doit être résolue par la négative. Cela a été établi d’abord par les observations astronomiques. Il existe en astronomie un phénomène bien connu, découvert par Bradley et qu’on appelle l’aberration. Il consiste en ceci : lorsqu’on observe une étoile avec une lunette, l’image de l’étoile ne se forme pas tout à fait exactement dans la direction de la visée ; cela provient de ce que pendant que les rayons lumineux de l’étoile qui ont pénétré dans la lunette parcourent celle-ci dans sa longueur, la lunette s’est légèrement