intervalle de temps et un intervalle spatial entre deux phénomènes donnés sont toujours les mêmes pour quelque observateur que ce soit et quelles que soient les conditions d’observation. Par exemple, il ne fût venu à l’idée de personne, tant que régna la science classique, que l’intervalle de temps, le nombre de secondes qui sépare deux éclipses successives de soleil pût ne pas être un nombre fixe et identiquement le même pour un observateur placé sur la terre et un observateur placé sur Sirius (la seconde étant d’ailleurs définie pour tous deux par le même chronomètre). De même, il ne fût venu à personne l’idée que la distance en kilomètres de deux objets, par exemple la distance de la terre au soleil à un instant donné, mesurée trigonométriquement, pût ne pas être la même pour un observateur placé sur la terre et un autre placé sur Sirius (le kilomètre étant d’ailleurs défini pour tous deux par la même règle.)
« Il existe, dit Aristote [1], un seul et même temps qui s’écoulera en deux mouvements d’une manière semblable et simultanée ; et si ces deux temps n’étaient pas simultanés, ils seraient encore de la même espèce… Ainsi, pour des mouvements qui s’accomplissent simultanément, il y a un seul et même temps, que ces mouvements soient, ou non, également vites ; et cela, lors même que l’un d’eux serait un mouvement local et l’autre une altération… Par conséquent, les mouvements peuvent être autres et se produire indépendamment l’un de l’autre ; de part et d’autre, le temps est absolument le même. » Cette définition aristotélicienne du temps physique date de plus de deux mille ans et elle représente avec beaucoup de clarté l’idée de temps telle qu’elle a été utilisée par la science classique jusqu’à ces toutes dernières années, et en particulier par la mécanique de Galilée et de Newton.
L’espace, comme le temps, était considéré classiquement et depuis les Grecs comme une donnée invariable, fixe, rigide, absolue. Newton ne pensait rien dire que d’évident et de banal lorsqu’il écrivait dans son célèbre Scholie : « Le temps absolu, vrai et mathématique pris en soi et sans relation à aucun objet extérieur, coule uniformément par sa propre nature… L’Espace absolu, d’autre part, indépendant par sa propre nature de toute relation à des objets extérieurs, demeure toujours immuable et immobile. »
Toute la science, toute la physique et la mécanique, telles qu’on les enseigne encore aujourd’hui dans les lycées et dans la plupart des
- ↑ Aristote, Physique, livre IV, chap. xiv.