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28 novembre, une nouvelle municipalité était élue, dont il ne faisait plus partie, et il cessa ses fonctions le 2 décembre. On avait considéré comme trop modéré ce brave homme fourvoyé parmi les égorgeurs. »


A partir de ce moment, les événements suivirent la marche que l’on sait, sans que notre homme sortit désormais de son obscurité. Le 5 février 1793, son fils l’architecte revient en France et va passer deux mois à Nantes, en pleine terreur de Carrier. Puis il rentre tout naturellement à Paris le 22 juin 1793, se plaignant seulement un peu d’une légère « crise de transports » . La correspondance se trouve ainsi interrompue au moment de la grande Terreur, où, d’ailleurs, les plus ardents épistoliers perdirent, en général, le goût d’écrire. Nous ne suivrons pas davantage notre Mareux, nous bornant à noter que, le 1er mars 1793, il a encore formé une société théâtrale et que ses représentations ne cessèrent pas, même pendant la période la plus critique. Les annonces de théâtre, qui se faisaient alors sous la forme de calendriers, insistent seulement sur ce que « ses acteurs sont tous animés de l’esprit républicain, qu’ils ont proscrit les pièces anti-républicaines et donnent souvent des représentations où ils ont fait payer le public pour consacrer la recette au profit des indigents ou des parents des volontaires qui sont à l’armée. Ainsi la Patrie sait changer ses jeux mêmes en actes de vertus !... »

Toussaint Mareux mourut le i janvier 1811, « suppléant du juge de paix de Tricot, » (une petite bourgade dans la Somme). C’était un médiocre aboutissement à ses ambitions ; mais, entièrement ruiné par la Révolution, il conserva, jusqu’au dernier jour, l’espoir d’obtenir une situation meilleure et il ne cessa de solliciter auprès de l’Empereur pour devenir juge de paix dans son village. Des révolutionnaires, qui avaient été plus violents et plus compromis, ont obtenu, à cette époque, auprès du restaurateur de l’ordre public, des positions plus lucratives et plus honorifiques.


L. DE LAUNAY.