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bien ce qu’il allait faire. A huit heures du matin, le faubourg est passé et plusieurs bourgeois se réunirent à eux avec le canon de chaque section. Nous étions donc armés contre ces brigands malintentionnés... » Elle raconte alors la bataille, où, à l’en croire, les faubourgs n’avaient pris que des piques et beaucoup de bourgeois des fusils sans cartouches, « tandis que ces traîtres de Suisses avaient des cartouches par centaines... » « Enfin, dit-elle, on escalade de toutes parts, on saccage tous les aristocrates et les Suisses. Le carnage commence. Chacun rapporte des défroques de tous ces monstres. On met des têtes à bas ; on les promène au bout de piques... Au premier coup de feu, le Roi bravement se rend dans le sein de l’Assemblée avec sa chère famille, étant tous hués de tous côtés. Fort embarrassés de leur présence, on fut obligé de leur pratiquer une chambre séparée de l’Assemblée, qui ne voulait pas être infectée d’un monstre aussi hideux... Depuis, on ne décesse d’arrêter du monde complice. Le peuple demande avec instance leur jugement, ou ils menacent de les exécuter eux-mêmes... Il faut juger au plus vite les criminels de lèse-nation !... »

Et voici la conclusion : « Ma foi, mon ami, il faut que tout le monde soit jacobin ; car, sans eux, on ne faisait qu’une bouchée de nous !... La guillotine va rouler grand train... »

N’est-il pas vrai que, lorsque les jeunes filles douces et sensibles commencent à s’exalter, elles ne le font pas à moitié ? Un post-scriptum ne manque pas non plus de piquant : « On nous apprend que, dans le faubourg Saint-Honoré, une voiture était extrêmement chargée. On voulut voir ce que c’était. On aperçut une guillotine faite supérieurement... Nous le tenons d’une personne très sûre... » Contre cette guillotine royaliste, la guillotine jacobine n’était-elle pas de bonne guerre ?

C’est également pour défendre ces innocents jacobins menacés par une conjuration de prisonniers sanguinaires qu’eurent lieu, — nous ne nous en serions pas doutés, — trois semaines après, les massacres de septembre. Les Mareux habitaient à cent mètres de la prison de la Force et de la rue des Ballets, où eurent lieu les principaux crimes. Notre ami Mareux siégeait à l’Hôtel de Ville, dans ce conseil général de la Commune, d’où partirent les initiatives et où on salaria les égorgeurs. Sa fille nous donne la raison très simple des événements : « Il faut te bien expliquer la chose. Le samedi, il y eut un