des commissaires de la majorité des sections réunis avec plein pouvoir de sauver la chose publique » (tel est son titre officiel un peu long) se sent assez forte pour chasser le Conseil légal. Adélaïde Mareux le raconte avec simplicité : « Il s’agit donc de casser la municipalité. C’est ce qu’on a fait au même instant. Ce n’était pas sans murmure ; mais on s’en est moqué. » Le bon Mareux participe alors à un nouveau « serment du Jeu de paume, » où les Commissaires s’embrassent et jurent ensemble, « dans un moment d’enthousiasme et d’inspiration, de se faire hacher plutôt que d’abandonner la cause du peuple. »
A partir de ce moment, c’est la bataille angoissée contre les Tuileries et les Suisses, dont Mareux, siégeant à l’Hôtel de Ville, donnant des ordres et délibérant dans le tumulte, suit avec passion toutes les péripéties. Une bataille que nous sommes plutôt habitués à regarder de l’autre côté de la barricade, mais pour laquelle notre correspondance fait revivre les émotions des « patriotes » défendant, contre la tyrannie despotique, « le Droit et la Liberté. » Un moment, on croit tout perdu ; le peuple reflue en désordre ; le drapeau est rapporté dans une débandade. Les commissaires exaltés jurent alors une seconde fois de périr à leur poste. Mais bientôt des cris de victoire se font entendre ; les dépouilles sanglantes de plusieurs Suisses sont ramenées en triomphe. On s’embrasse. On se félicite. On respire. La bonne cause est sauvée ! ..
Je ne reproduis pas tout le récit. En voici les traits les plus saillants : « ... Les vingt-cinq millions [1] sont donc au château à faire leurs préparatifs. Le soir, sur les onze heures, on criait dans les cours du château : « Aux armes » ... Tout le château est plein des Suisses et des aristocrates déguisés en Suisses. Presque tout l’état-major de la garde parisienne, les juges de paix, des juges de chaque tribunal, les trois bourreaux s’y trouvent ; aussi rien n’y manque. Le tocsin sonnait de tous côtés, car l’heure était indiquée à minuit ; mais quel est le parti qui le faisait sonner, on n’en sait rien... Sur les quatre heures, le Roi passa en revue les Suisses et les gardes-nationaux aristocrates... Le Roi, en passant sa revue, avait un air satisfait ; il allait nager dans le sang de ses sujets, il savait
- ↑ Chiffre de la liste civile.