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lui de se mettre en marche. Enfin, pour être utile, on lui offre d’aller à la Ville [1] et d’apporter des nouvelles d’heure en heure à la section. Etant donc arrivé à la Ville, on lui dit que c’est pour être commissaire. N’ayant pas de pouvoir assez fort, il retourne à la section ; alors on lui donne un pouvoir plus fort qui le fait municipal... » Cette improvisation d’un représentant du peuple, qui commence par être un simple commissionnaire et qui se trouve soudain chargé d’administrer Paris, caractérise assez naïvement la façon dont le peuple souverain gouverne par lui-même et choisit ses élus aux heures graves.

Voici, plus exactement, ce qui venait de se passer. Au début de la soirée, le faubourg Saint-Antoine, avec quelques sections plus ardentes, avait donné l’impulsion, fait sonner le tocsin, mis la population en branle. Une trentaine de représentants insurrectionnels s’étaient assemblés à l’Hôtel de Ville « pour aviser aux moyens de sauver la patrie. » Dans les sections relativement modérées, on hésitait, on parlait, on se déclarait « en permanence, » on envoyait quelque Mareux aux nouvelles. Puis, les heures passant, les têtes s’échauffent comme toujours en pareil cas ; les gens paisibles rentrent chez eux et des violents s’introduisent de force. A deux heures du matin, dans la section de Mareux, la minorité bruyante avait pris ainsi assez d’avantages pour que le président Fayel, incapable de lui résister, levât la séance et sortît en emportant le registre des délibérations. C’est alors que Mareux, revenant de « la Ville, » trouve un nouveau président improvisé, dans un groupe tumultueux, où l’on se distribue les pouvoirs. Ce groupe s’associe bien entendu au mouvement insurrectionnel et dépêche, à cet effet, Mareux avec deux autres commissaires à l’Hôtel de Ville. Le bonhomme flatté, satisfait de jouer un rôle, se laisse faire.

Cependant, à l’Hôtel de Ville, les adhésions se multiplient et deux Conseils généraux siègent maintenant côte à côte : le Conseil légal dans sa salle de séances ordinaire, le Conseil « élu révolutionnairement pour sauver la chose publique » dans une salle voisine, où il se fait protéger par des hommes bien armés qu’ont envoyés les Sections. C’est devant cette bande que comparait Mandat, chef de la garde nationale, avant d’être assassiné en sortant. Enfin, vers 6 à 7 heures du matin, « l’Assemblée

  1. Hôtel de Ville.