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que Mareux devient, à ce moment, le reporter fidèle de toutes les cérémonies publiques. En bon Parisien et, qui plus est, en Parisien directeur de théâtre, il a l’amour des représentations et des cérémonies chevillé dans l’âme. Rarement on a brûlé autant de lampions et tiré autant de feux d’artifice que pendant cette triste époque. Mareux ne manque pas une illumination ou une pompe funèbre et les décrit à son fils dans tous leurs détails. Il est de ceux qui veulent avoir tout vu et qui ne redoutent pas de rester en station extasiée derrière un mur, au delà duquel il se passe quelque chose. Avoir sa place dans une fête est pour lui une joie. Retenons ce trait qui lui est commun avec beaucoup de nos boutiquiers parisiens. Si, un jour, nous le verrons à l’Hôtel de Ville siégeant nuit et jour avec les organisateurs des massacres de septembre, je ne voudrais pas jurer que le désir très parisien de « visiter les coulisses et de monter sur la scène » n’y ait pas contribué un peu.

Malgré cet apaisement relatif, l’année 1790 voit grandir, chez ce pacifique, un sentiment qui est commun à toutes les périodes troublées et qui conduit fatalement aux violences criminelles : la suspicion des tribunaux réguliers, regardés comme vendus aux contre-révolutionnaires, ou tout au moins comme insuffisants pour enrayer la contre-révolution. Nous n’aurons pas à chercher ailleurs une explication pour les horreurs de 1792 et 1793. Le 4 octobre 1790, Mareux s’indigne déjà contre « les infamies du Châtelet, » qui avait prétendu rechercher les fauteurs du 5 octobre. Le 21 décembre, il témoigne son irritation contre les émigrés, auxquels, commerçant malgré tout, il ne reproche pas seulement d’attirer les étrangers en France, mais aussi d’avoir, par leur départ, ruiné le commerce de luxe parisien... Le marasme croissant de son théâtre et la difficulté de se procurer de l’argent ne s’expliquent pas pour lui par le désordre et les émeutes, mais par des menées hostiles, et c’est avec quelque étonnement qu’il écrit cette phrase, où les principes de l’économie politique n’ont rien à voir : « La rareté du numéraire se fait toujours sentir malgré la liberté. » Comme beaucoup de Français, il était disposé à prendre l’agitation pour un mouvement utile et les réformes édictées sur le papier pour des progrès réalisés.

Je passe sur l’année 1791 et sur la mélodramatique « conjuration des chevaliers du poignard. » Mais, pour l’intelligence