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de faire partir le Roi pour Metz, un autre d’affamer Paris par les accaparements de grains au milieu de l’abondance étaient réels et l’on découvre depuis jeudi que des enrôlements nocturnes se faisaient de toutes parts, ainsi que des magasins d’habits et ustensiles militaires se préparaient et sont aujourd’hui sans équivoque. Cela prouve que les journées du lundi 5 et du mardi 6 sont de beaucoup au-dessus de celle de la prise de la Bastille !... »

La grande année n’est pas terminée que la note devient déjà plus violente : un peu sans doute parce qu’on ne voit pas apparaître le bien-être général dont on avait trop escompté l’avènement rapide. Le 31 octobre, on nous annonce qu’on commence à faire le procès des « coupables : » c’est-à-dire du prince de Lambesc, « des fugitifs et des prisonniers dont les prisons regorgent... Le peuple murmure des lenteurs que l’on a mises pour faire leurs procès. » Puis, le 12 janvier 1790 : « Ce qui fait une affaire sérieuse, c’est l’absolution que les juges veulent donner au baron de Bézenval, qui s’était chargé de foudroyer Paris au mois de juillet dernier. Le peuple et les bourgeois s’attroupent au Châtelet et veulent avoir ce baron pour l’expédier... » Et, comme refrain, à la date du 19 avril 1790 : « A travers tous ces grands débats, le Roi est toujours chéri et aimé du peuple... »

Le 15 juin, il résume ainsi son opinion : « Nos campagnes jouissent déjà du bien-être de la Révolution.... « Ces campagnes, il ne les habite pas ; mais, à Paris où il vit, il constate que le commerce est absolument mort et ne se relèvera point de sitôt. Lui-même est, selon son expression, dans une « détresse affreuse. » Pourtant, la seule chose intéressante est qu’on prépare la Fête de la Fédération et qu’elle sera splendide.

A partir de ce moment, en effet, il s’accuse un changement dans la correspondance Mareux, comme il s’en produit un au même moment dans les esprits. Le pays était alors las de troubles et aspirait au repos. Tous les gens sensés considéraient que la Révolution avait accompli son œuvre utile et qu’il fallait maintenant stabiliser le nouvel état de choses en remettant de l’ordre. D’où une accalmie momentanée et une ruée vers les fêtes et les plaisirs, telle qu’on la constate toujours après les grandes crises, quand le peuple éprouve le besoin de respirer et de recommencer à vivre. Je me borne à mentionner