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Mareux, se fait par des gens de la première distinction, qui voulaient réduire le peuple par la famine... » Cependant les États-généraux se réunissent. Mareux est convaincu que tout va « se rétablir dans l’ordre de la justice, après lequel on soupire depuis des siècles. »

C’est le 11 juillet 1789 que notre homme a perdu son procès contre la Comédie-Française. Mais il ne l’annonce à son fils que le 13 juillet et, ce jour-là, il a des nouvelles bien plus intéressantes à lui donner. Deux lignes sur son infortune personnelle. Puis un titre flamboyant qu’il souligne : Révolte Générale et, pendant quatre pages enflammées, il explique à sa manière les événements qui précédèrent la prise de la Bastille (l’affaire du prince de Lambesc, etc.). Il s’est fait faire aussitôt par sa fille une cocarde verte et il a couru signer son engagement dans la garde bourgeoise. Une semaine après, il raconte la suite, émerveillé d’avoir assisté à un événement, « dont il n’y a point d’exemple dans l’histoire universelle et particulière. » Manifestement, cette satisfaction orgueilleuse d’avoir vu s’accomplir un grand événement historique domine chez lui tout autre sentiment. Après huit pages de récit, sa conclusion est : « Ainsi fut prise cette fameuse Bastille, cette citadelle de Paris, l’écueil des plus grands capitaines, des Henri IV, des Turenne, etc., ce séjour de vengeance et de la tyrannie ministérielle. Ne t’étonne point, mon fils, d’un coup aussi hardi et aussi bien réussi. Un peuple destiné depuis longtemps à l’esclavage du despotisme le plus absolu et qui combat pour sa liberté, ne connaît plus de dangers. Il affronte ces dangers, quelque apparents qu’ils soient. La réussite est heureuse, j’en conviens ; mais elle étonnera l’univers, et nos arrière-neveux regarderont même cette action comme fabuleuse... »

Cependant, avec la presque totalité des Français à cette date, il reste bon royaliste et il a, sur Louis XVI, des phrases qui éveillent aujourd’hui le sourire : « ... Sa Majesté, en retournant au château (le 15 juillet), a commencé à jouir du bonheur qui l’attendait. Le peuple de Versailles l’a reconduite aux acclamations de la plus grande joie... ; » puis, lorsque le Roi vient à Paris le 17 juillet et est forcé d’arborer la cocarde nationale : « C’est alors que les acclamations ont commencé. Les pleurs de joie et les larmes d’attendrissement étaient la force de crier : « Vive le Roi ! … » Cette sensibilité et ces